Je n'ai pas de tête. Je suis omnipolaire. Je marche dans les rues en chantant mal et en faisant des punch de drum avec mes mains et en buvant du vin dans un sac en papier brun. Je bois aussi des cafés-filtre au Dégueulton, des fois j'y travaille et tout le temps j'y écoute aux tables. Je sors danser dans les bars country. Je suis pas super en Charleston. Je cherche une liberté douce. Je fragmente les histoires des gens que je rencontre au cours de mes soirées qui n'ont ni tête ni rien non plus.

lundi 28 juin 2010

Vin rouge et chambre d'hôtel.

«Le lit est blanc.
Je veux du vin rouge
Échangé entre nos bouches
Débordantes
Qui se répand
Comme moi sur toi
Tes cheveux qui collent à mes doigts
En toile d'araignée

Je veux mon ventre nu
Sur ton ventre
Croquer la pomme de ton cou
Boire les dessins de soleil
Sur tes joues
Jouer à menton fourchu
Bouche d'argent
Sans rire.
Dire nos noms. cent fois.

Je t'attends.
272.»

samedi 19 juin 2010

Matelot.

Ça faisait deux pots de Nutella à 4,99 qu'elle avait pas fait sa vaisselle.
Tristounette, la fille
Faisait des siestes l'après-midi
Même quand y pleuvait pas
Mangeait ses ongles et ses doigts
Perçait des trous dans ses bas

La seule chose qu'elle avait gardée:
Son pull, à lui
Blanc avec des rayures bleues
Matelot
Elle aurait dû y voir un signe
Que'que chose

Les matelots partent, c'pas compliqué
Sont pas capables de s'endurer
Quand y a le sol dessous leurs pieds

Elle aurait pu se préparer, au moins
Mettre son suit de deuil
Mais non.

Un pull blanc et bleu
Matelot.
Ça veut rien dire mais c'est beau
On peut faire des histoires avec

Hier, pas le choix y a fallu qu'elle l'étouffe
Dans un sac en plastique
Pour le redonner
Elle a fait deux trous
Juste au cas où
Il lui prendrait l'envie de s'échapper

S'en débarasser, c'était terrible
Elle avait mis son odeur
Dessus
Ses cheveux pis ses taches de rousseur
C'est bien connu:
C'est la dernière carte des désespérés
Après ça y a p'us d'espoir
On peut aller se rhabiller

"Bye bye capitaine
Oublie-moi pas trop, là-bas en mer
Et reste fier"

***

C'est le matin rue Mont-Royal
Ça sent les crêpes et le café
Pas pris la peine de se peigner
Les doigts plissés (décidé de faire la vaisselle, c'qui est déjà une bonne nouvelle).

Une autre fille.
Elle la voit, de loin
Pareil comme si elle avait eu un set de lumières
Autour d'la tête
Ou un panneau publicitaire
C'est parce qu'elle porte ses cheveux, pis son odeur
Pis ses taches de rousseurs
Sur un pull rayé
Blanc et bleu
Matelot.

lundi 14 juin 2010

C'était écrit dans le ciel... (Ou l'histoire de Benny).

Je voulais si fort qu'on m'aime. N'importe qui. N'importe quelle âme qui vive ou qui vive pas, ma mère mon père, mon t-shirt de Batman & Robin ou b'en un robineux rue Ontario. Quand j'étais haut comme une borne-fontaine, maman avait acheté une caméra vidéo et j'avais besoin de vivre, à l'intérieur. Quand la lumière rouge s'allumait, je gigotais, je criais, je montrais les dents, la langue, je chantais Jingle Bells, faisais des arabesques, je remuais ciel et terre, tant que j'avais l'impression de briller, dedans. Dedans la lentille. J'aimais son oeil globuleux et scintillant, et puis j'avais tout le temps le goût de me regarder sur la TV couleur, après. C'est pas particulièrement parce que je me trouvais beau, c'est pas particulièrement parce que j'avais envie de me noyer dedans moi. Mais il fallait bien que quelqu'un me regarde et quand moi je me regardais, c'était mieux que rien, il me semble.

Je sais que tout ça, c'est des problèmes de filles et que je devais être un peu spécial, d'un sens. Les petits gars qui veulent de l'attention, d'habitude, ils cassent les choses et les personnes et ils disent des gros mots. Moi, je chantais, je dansais et je faisais les yeux qui roulent et qui clignent vite, version Marilyn Monroe. À trois ans, j'avais appris mon livre du Dragon dans un chariot par coeur et j'étais allé voir les voisins, un par un, pour faire mon spectacle. Je savais tourner les pages au bon moment et prendre le bon ton pour que l'histoire soit belle, et tout. Les voisins trouvaient que j'étais un vrai génie et ils m'applaudissaient. Ensuite, j'ai commencé à être un peu plus grand et plus intéressant et j'ai appris le moonwalk plus imitation de Madonna version Like a virgin (mais je chantais pas pour vrai). J'ai battu tous les records de cotes d'écoute, au sens figuré. Quand on est comme je suis, sans histoire, de bonne famille, ni-beau-ni-laid, bien-mis-bien-éduqué, sensible au monde et à l'art, quand on fait encore pipi au lit, des fois, et qu'on est un peu grand, on fait ce qu'on peut. Moi, ça m'apaisait, pour un temps.

Mais là, j'ai commencé à avoir des poils et des envies et la vérité, c'était écrit dans le ciel, c'est que j'ai plus vraiment eu le droit d'être comme je suis et ça a commencé à m'embêter en crisse. Je voulais si fort qu'on m'aime. N'importe qui, n'importe quelle âme qui vive ou qui vive pas. Mes soeurs, mes frères, mes souliers griffés. Une prostituée avec des couilles rue Ontario. Les trucs que je mettais dans mon nez pour qu'on m'aime plus. plus. plus. J'ai appris à aimer les filles, mais surtout leur cul, comme c'est de mode et de coutume pour la gente masculine. J'ai appris des phrases gagnantes, j'ai pratiqué des mouvements, des clins d'oeil, comme dans la TV couleur. Dans mon miroir, j'avais l'air vrai. Tout avait l'air vrai. Dans les bars, tout était parfait, je brillais devant mon public. Je les déshabillais en les embrassant dans le cou et leur tirais les cheveux, dans le noir, je leur disais que je les aimais si fort, si fort, que je les aimerais pour toujours et perdais leur numéro, comme c'est de mode et de coutume pour la gente masculine. Elles venaient jamais chez moi, parce que je voulais pas de traces d'elles dans mon appartement. Parce que je voulais pas de leur boucle d'oreille oubliée sur la table de chevet. Pas de leur pince à cheveux à la traine sur le rebord du bain. Pas de leurs petits doigts sur mes cahiers, sur mes posters. Parce que j'étais terrorisé par ces créatures petites, comme moi, avec leurs grands yeux qui me regardaient au travers. Je voulais pas qu'ils me voient en plein jour cru, ces yeux-là. Je revenais chez moi pendant qu'elles dormaient, je me lavais en frottant bien, jusque sous les ongles. Mouchais deux-trois coups, à cause de la came. Me rasais, au complet.

Je voulais être comme Batman et être le plus fier et le plus grand et le plus fort, mais je suis trop maigre et mes pieds sont en canard. J'ai jamais scoré au hockey, jamais. Me suis jamais battu avec un gars en forme de frigidaire, dans un bar. Je suis lâche comme un couillon, câlisse. Ni-beau-ni-laid, sans histoire, enfin comme on sait.

Ma mère a toujours dit, on a pas tout c'qu'on veut, dans la vie.

Moi je trouve que des fois, on a tout c'qu'on veut pas.

Quand je me couche en petite boule morte, dans mon lit, le soir, je m'imagine quelque part où j'ai pas vraiment le droit d'être en train de faire des choses que j'ai pas vraiment le droit de faire. Je pense à mon père, qui achetait toujours le plus de livres possible sans jamais même en voir la couleur des pages. Je pense à ma mère, qui achetait toujours le plus de robes possible sans jamais même en porter une seule, parce qu'il fallait pas froisser le beau tissus doux qui coûte cher. Et je dis à mon coeur mort chut-chut-chut. Mon Coeur, tu sais, y a du pelletage de nuages qu'on peut pas se permettre, dans la vie.

Moi, une fois, en petite boule morte, dans mon lit le soir, j'ai mis mon suit de fini et mes ailes de Batman passées date, j'ai volé jusqu'en l'air, à mon plus haut, jusqu'à ce que mes yeux virent à l'envers et clignent vite, version Marylin Monroe quand y en restait plus grand chose. Et j'ai passé la souffleuse dedans, mes nuages morts. C'était écrit dans le ciel. Chut-chut-chut.

dimanche 13 juin 2010

Tadou-jingle.

«Tadoussac, débarque de la track. Embarque, dans le sac et le ressac (...)» On a voulu faire un Tadou-jingle pour passer le temps, dans le char. Ça a donné ce que ça a donné, hein.

On a planté notre tente dans le noir avec une lampe de poche grosse comme un dix sous dans la bouche à Bibi. Mais on a fait ça guerrières, je veux dire. Pas tout croche comme on peut s'attendre des filles. Pis vite à part de ça, on voulait rien manquer du reste des choses qui se passaient en bas.

Déjà qu'on était en retard parce que pendant le traversier, question de sauver du temps, on était allées dans les toilettes du bateau se faire un petit maquillage/épilation de sourcils vite faits, et que finalement, en touchant terre, on avait fait attendre toute notre ligne de chars qui pouvaient plus débarquer parce les brigadiers nous cherchaient mais nous trouvaient pas. Et on avait couru jusqu'à la voiture en se cachant la face sous une pluie de klaxons désagréables en criant «Pardon! Pardon! On s'épilait! Pardon.»

***

«As-tu décroché?»
«Non, toi?»
«Non, je me concentre à faire ça, là».

On marchait vite dans les rues, ça nous gossait que le monde prenne leur temps.
On voulait arriver vite, boire notre bière vite, voir toutte notre monde, leur parler beaucoup, pis avoir du fun vite. Pas manquer un seul show.

Surtout, on cherchait la délivrance, vite.
La délivrance du monde qui va vite.

Fa'que là on a voulu toutte planifier d'avance.
Pour pas perdre de temps.
Pour bien profiter de chaque instant.

«As-tu décroché?»
«Non pas encore. Calvaire.»

J'ai fait ma run de lait, j'ai parlé à tous les gens, mais j'arrivais pas à entrer dans mon corps, je le voyais plutôt de haut. Non, plutôt de bas. En vue périphérique, et je savais plus trop si j'aimais mieux les oranges ou les pommes, ce que je pensais du dernier disque de Pierre-Jean-Jacques, comment sourire sans que ça fasse mal aux joues ou trouver quelque chose drôle.

Le lendemain, j'avais toujours pas décroché, c'était décourageant.

On a essayé la plage, le lac, les drinks, les smoke-meats.
Je crois que j'ai pas décroché une seule seconde.
La vue périphérique, a me lâchait pas, la calvaire.
On était au bout du monde, y avait les paysages magnifique, les montagnes. Les couchers de soleil. Les mouches. La musique. Tout ce qu'on dit qui aide à se laisser aller, dans la vraie patente, tsé.

«Tadoussac, débarque de la track. Embarque, dans le sac et le ressac. (...)»

C'est à la presque fin, back on the traversier (on est pas sorties du char, cette fois-là. par mesure précautionnaire) que ça s'est passé. Bibi nous parlait de l'histoire de quelqu'un de courageux et de fort. Tout d'un coup, me suis sentie comme un papier de soie, tu souffles dessus pis y déchire à moitié. Je vous épargne les détails.

Bref, pour finir vite parce que c'est pas bien bien intéressant, mais il faut que je garde ma plume en forme:

On est arrêtées à Baie St-Paul. Y avait des drôles de trucs dégueux dans l'eau et autres choses. On savait pas trop si on dormait là encore une nuit. Je savais toujours pas si j'aimais mieux les pommes ou les oranges etc., alors c'est bien vous dire comment je savais rien. On était en train d'en parler, oui ou non, oui ou non.

Pis là, faut bien l'imaginer, c'est pas pire. Y a une crotte d'oiseau gigantesque qui est tombée sur la tête à MC pis un peu sur ma tête itoo.
Ça a fait splash, ou peut-être, ploush. Bref, c'était pas rien.

Ah b'en lâ lâ, fuck you les oiseaux à Baie St-Paul, lâ. Bye Baie St-Paul, lâ.

Y voulaient rien savoir de nous autres, j'pense.

Tout ça pour dire que, calvaire. C'est le fun fuir, pour trouver des affaires, comme soi-même.
Mais je pense que je vais rester che'nous. Pour un p'tit boutte.

(Tout de même, je tenais à préciser: le festival de Tadoussac, c'est un bien beau festival. http://www.chansontadoussac.com/ pour l'année prochaine).

vendredi 4 juin 2010

Minuit Chrétien, c'est l'heure solennelle.

On cherchait quelque chose de vraiment spécial à faire.
On a parlé d'aller aux arcades ou au Laser Quest mais c'était trop cher. En plus, Nico s'était fait voler son porte-feuille par un douchebag pis moi je l'avais juste oublié. On voulait aller à la piscine mais y faisait trop frette, au bingo mais on en trouvait pas, alors on est allés virer au chic bar Le Paspébiac, sur Papineau. Ça sentait le homard à plein nez, mais on s'est accordé une danse, pour tester la place, tsé. Les monsieurs pis les madames nous regardaient toutte croche, faque on est sortis. Après ça, on a décidé d'aller au bowling, mais c'était fermé. On avait marché une demi-heure sous la pluie pour ça, avec notre king can dans un sac en papier brun, en croisant des polices à vélo, fallait pas abandonner. On est rentrés dans un bar nowhere pis là, y avait un gars pas trop fiable, en apparence, qui nous a dit qu'y avait un karaoké au coin d'la rue Papineau, encore.

La pluie battait les rues, mais nous, on était courageux.
On s'est dit, une chance sur deux, que ça soit vrai.
Soit oui.
Ou ben non.

On est arrivés là
Y avait Mike à la console
Y chantait sur une toune de Metallica
Mais trop bien, comme.
Les maîtres de karaoké
avez-vous remarqué
Ils chantent toujours plus
Pis c'est pas juste.
Mais bon.
Au moins y était pas pire.

On l'a bombardé de papiers avec des noms de tounes pas rapport.
J'pense que déjà là y nous aimait pas fort fort.
Avec nos cheveux collés dans face.

On a attendu.
Y avait Stéphane
C'était Éric Lapointe
Même voix même moves pis toutte
Mais en gros.
Y avait Lynne
Elle a s'donnait
Faisait des backvocaux
Avec tout le monde
Même ceux qui voulaient pas
Pis quand a faisait pas ça
A chantait du Marjo
Pis a faisait aller ses cheveux.
Y avait Luc.
Lui, il riait de tout le monde
Quand y est allé chanter, j'ai compris.
Y tenait son micro
Comme une star du rock
Mais honnêtement
Y avait juste ça de beau
Son ami le filmait
J'pense qu'y voulait s'faire un clip
Pour mettre sur Youtube

Pis y avait Amal
J'ai pas trop compris, lui.
Y allait en avant pis y se brassait
Mais là. C'pas compliqué, y transcendait la musique
On aurait dit qu'y était une coche
Au-dessus de tout le monde
Voyait des choses qu'on voyait pas
Mettait ses bras en l'air
Faisait des formes
Ouvrait sa chemise pis se dessinait des trucs
Dessus
Avec de l'air

Là, Mike nous a appelés
On était contents
Pour chanter
Minuit Chrétien, c'est l'heure solennelle

On y arrivait pas, on riait trop, c'était dégueulasse. Mais là Amal est venu me voir. Il m'a pris par les épaules. Je chantais, un peu, pis il me regardait dans les yeux. À deux pouces de ma face, je vous jure, il s'est mis à pleurer. Il arrêtait pus. Je chantais «Peuple à genoux, attends ta délivrance».

Pis lui les larmes y coulaient
Grosses comme des onzes de vodka
J'ai arrêté d'rire, j'ai dit pleure pas, pleure pas. Pleure pas.

Pis là, Amal m'a embrassé sur le front. Comme si j'étais la fucking Sainte-Vierge, que Nico a dit. Comme si j'étais la fucking Sainte-Vierge.

«You're my sister» qu'y m'a dit.

Après ça, on avait pus trop l'coeur à la fête, pis on avait pus une cenne. Bibi a voulait qu'on s'fasse payer des verres, mais j'étais pas certaine si c'était une bonne idée. Faque on a attendu.

C'est là que y a des verres de bière qui sont arrivés. C'tait la gang à Stéphane (Éric Lapointe) qui voulaient être nos chummés. Claude y était Acadien, c'est devenu mon pote. Mario il avait une compagnie de porno à lui tout seul pis y faisait ben du bidou. L'autre, je me souviens pus de son nom, y parlait pas.

Y ont rempli nos verres
Trois-quatre-cinq-six fois
Même si on voulait pas
On a dit merci
Pis on est sortis.
En promettant d'aller à leur party
Wet t-shirts
Le lendemain.

C'était même pas vrai.