Je n'ai pas de tête. Je suis omnipolaire. Je marche dans les rues en chantant mal et en faisant des punch de drum avec mes mains et en buvant du vin dans un sac en papier brun. Je bois aussi des cafés-filtre au Dégueulton, des fois j'y travaille et tout le temps j'y écoute aux tables. Je sors danser dans les bars country. Je suis pas super en Charleston. Je cherche une liberté douce. Je fragmente les histoires des gens que je rencontre au cours de mes soirées qui n'ont ni tête ni rien non plus.

mardi 24 août 2010

Han han, han han.



J'travaille au Dégueulton, une fois d'temps en temps, quand j'ai besoin d'argent. C'est pas le genre de place où tu te vantes de travailler, c'est pas prisé en ville, c'est pas coté, rien. Même que j'te dirais que c'est plutôt glauque, quand t'es pas habitué. Y faut un entraînement, un genre de laissez-passer, sinon tu ressors de là un peu à côté, d'la track, je veux dire.

Depuis vingt ans, ça a pas changé, c'est un Martin qui me l'a dit, le premier shift qu'j'ai travaillé.
«La dernière fois chu v'nu icitte, c'tait en 1988, pis c'tait la même câlisse d'affaire».
Moi ça me plaît, les banquettes trouées, les murs graisseux pis les vieilles affiches.

Au bar, t'as les pervers-mythomanes. C'est pas une joke, ils le sont tous. Moi je dis pas un mot, je dis «han han», j'boutonne ma chemise au ras du cou, juste au cas où. J'essaie de voir dans leurs yeux si y ont pris d'la coke, ou quoi, parce que sérieux, à les écouter, y connaissent toutte, tout le monde, pis y ont voyagé pis y ont toutte faitte.

Je chante toujours en travaillant, c'plus fort que moi. Quand ils m'entendent, veulent m'en passer des vertes pis des sucrées pis des surettes, genre y ont chillé avec les grands, yont une Fender Strat' pis y jouent souvent. Moi je dis «han han, han han».

J'mets les numéros de téléphone dans poubelle, pas dans mes poches.
Quand y m'demandent si j'vais rappeler, j'leur dis «pas sur mon grand, sauf qu'tu peux rev'nir déjeuner».

Mais c'qui est l'plus intéressant, c'est qu'cette place là me fait en dedans comme le plus grand bien. Quand je m'installe à mon comptoir, que j'mets mon poste préféré, que j'vois rentrer les habitués,

Y a une nostalgie délicieuse
comme une volupté
qui me prend.

Un vide se fait dans ma poitrine, y a des étoiles qui rentrent dedans.
J'savoure le temps qui passe pas vite, pas vite.
Pis je souris à mes clients.
J'leur offre mon oreille
Pis un bon café filtre
Pendant que s'lève le soleil.

J'leur dis «han han, han han».
J'pense que ça commence bien leur journée.
Pis honnêtement.
La mienne autant.

samedi 21 août 2010

Pour Amélie.



J't'ai tricoté des bas
Je connais tes couleurs
C'est pas d'ma faute si je te sais par coeur
J'voulais faire comme avant
Quand on s'habillait pareilles
C'pas qu'on est vieilles, mais ça va faire longtemps

Qu'on porte p'us des foulards
Des mailles démodées
Qu'on achetait au Village des Valeurs
Qu'on fume p'us dans ton char
Des cigarettes roulées

Tu sais.

Faut qu'j't'avoue que des fois
Ça m'arrive de m'ennuyer
Est-ce que la prochaine fois
J'peux penser à t'appeler?

Toi t'as jamais eu peur
La première à sauter
Moi j'te suivais les yeux presque dans l'beurre
Dans l'fond quand j'regarde ça
Les choses ont pas changé
Même que j'me sens encore plus p'tite qu'avant

J'ai sorti mes foulards
Pas l'courage d'les jeter
Ni d'les donner au Village des Valeurs
Pis parlant d'cigarettes
J'ai pas encore arrêté

Tu l'sais.

Faut qu'j't'avoue que des fois
Ça m'arrive de l'échapper
Est-ce que la prochaine fois
J'peux m'en venir te trouver?

J't'ai fabriqué une toune
Je connais tes couleurs.

mercredi 4 août 2010

Cette journée n'est pas normale.


6 heures et quart, le soir me pogne
Les métros sont bloqués
Tous, sauf le mien
Jarry - Beaubien
Infiltration d'eau, y pleut à sieaux
Dans Berri-Uqam

«Cette journée n'est pas normale»

Mon parapluie est bien trop lourd
Plus le poids d'lair, c'est pas malade
La rue est crade
J'veux un café
J'en ressors un peu rassurée

Un vieux coké fonce
Sur tout c'qui bouge
Y m'rentre dedans.
Je tombe à terre.
Mon parapluie, mon foulard rouge
Mon latté-double
Toutte sacre le camp

Dans les craques du trottoir.

«T'aurais au moins pu t'excuser»
Mais y est déjà trop tard
Cette journée n'est pas normale.

Josianne a son poncho d'pluie
Les plans sont flous, on suit la vibe
Y'a des étincelles dans le gris de la nuit

En attendant, une sangria
Comme un orage dans le désert
On compare la couleur des auras
Du monde qui commande leur dessert.

Josianne est bleue, y a rien d'plus clair.
Comme son «Blue Boy, love (...)»
Y a qu'à regarder son chandail pis son cellulaire
Tout s'emboîte, comme un casse-tête.
Pis moi c'est rose, la même affaire.

L'amour nous coule par les yeux.
La nuit a les bleus
Messemble que les signes en ont long à nous dire à soir
C'est c'quon se dit
Au moment même où dans le noir
La pluie se met à tomber
Plus fort.

lundi 2 août 2010

Une vieille affaire qui cherche encore d'la musique (pour danser).

Y m'reste trois piasses pour tuer le froid
À peine assez pour un café
La table du fond, comme un chez moi
Parce que j'ai nul part où aller

Dehors ça s'meurt, ça arrête pas
Y a tu que'que chose qui vit en moi
En plus l'hiver s'en va tomber
J'ai déjà la chienne d'y passer

Cassée
De dedans comme dehors
Cassée
Devant l'soleil qui brille pas fort
Hier nuit
Dédé est même venu me voir
Crashée comme un trou noir dedans ses bras
J'ai pensé qu'j'en reviendrais pas

J'regarde dehors juste au cas où
Rien qu'un sourire ferait pas d'tort
Un p'tit bonheur de l'autre bord
Un coup d'vent qui ramasserait tout

J'ai p'us une cenne pis p'us d'amour
J'fume clope sur clope pour compenser
J'm'accroche à c'que j'peux pour que'que jours
Promis après, j'vas arrêter

Cassée
De dedans comme dehors
Cassée
Devant l'soleil qui brille pas fort
Hier nuit
Dédé est même venu me voir
Crashée comme un trou noir dedans ses bras
J'ai pensé qu'j'en reviendrais pas

Cassée
Du travers comme du tort
Cassée
Comme un grand vent dans mon p'tit corps
Cassée, pas une cenne
Cassée, pas d'veine
De veine.

Au moins ici y fait moins frette
Pis j'ai une chanson dedans ma tête
Toutte mon p'tit change y aura passé
Mais y a que'que chose qui va rester.