Je n'ai pas de tête. Je suis omnipolaire. Je marche dans les rues en chantant mal et en faisant des punch de drum avec mes mains et en buvant du vin dans un sac en papier brun. Je bois aussi des cafés-filtre au Dégueulton, des fois j'y travaille et tout le temps j'y écoute aux tables. Je sors danser dans les bars country. Je suis pas super en Charleston. Je cherche une liberté douce. Je fragmente les histoires des gens que je rencontre au cours de mes soirées qui n'ont ni tête ni rien non plus.

samedi 23 juillet 2011

Un homme, moustache et casquette.

Un homme, moustache et casquette, Montréal, Québec. Par Nina Raginsky.

Lui il a pas de père pas de frères pas de soeurs en tous cas il sait pas c'est qui, il sait juste c'est qui sa mère mais ça fait pas longtemps. Quand il était petit il avait juste une tante pis un oncle pis un golden retriever pis un camion.

Quand il était petit il l'imaginait sa mère avec des bigoudis la nuit et des frisettes le jour, avec du bleu sur ses yeux une cigarette longue et des souliers en cuir plus une boucle dessus. Il l'imaginait dans une Camaro avec un foulard en soie dans ses cheveux et Elvis au boutte en background avec qui elle aurait chanté super bien. Tante et oncle avaient jamais rien dit sur la mère sauf son nom Henriette, ils avaient trop peur qu'elle revienne pas des États-Unis mais ils avaient surtout peur pour leurs fesses à eux, c'est tannant une vie avec ton pas-fils à qui faut que tu fasses du ragoût pis des hot-dogs à tous les jours au lieu de manger au restaurant en buvant beaucoup de whisky. La mère est revenue finalement et elle avait rien d'autre de beau que des cheveux courts blonds des sneakers de course et une amoureuse comme dans les films américains, et la seule chose qu'elle a dit en premier c'est "maudit comment ça que vous lui avez fait les cheveux comme une brosse". 

Quand il était moins petit il s'est mis à imaginer son père à la place, grand avec des jeans pattes d'éléphant, un tattoo à l'intérieur de l'avant bras et des bagues en tête de mort. Il l'imaginait faire de la moto avec pas de casque en fumant des joints, il se voyait chanter du Led Zep avec et jouer de la guitare dans un ampli crinqué au boutte. Quand il l'a vu pour la première fois son père, quand sa mère nouvelle lui a montré sur une photo il a un peu pleuré par en-dedans parce qu'il portait un coton ouaté et une moustache et c'est la dernière fois qu'il a posé une question dessus. 

Maintenant, il se fait trente blondes par année qu'il aime pendant un point quatre-vingt-sept semaines chacune en moyenne, il se regarde beaucoup dans le miroir et c'est tout.

Elle elle a plein de frères plein de soeurs, plein qu'elle connaît pas peut-être même qu'elle sait pas qu'ils existent, c'est parce que sa mère en a donné beaucoup qui ont été distribués à travers le monde entier et qu'elle est la seule qu'elle a gardée. Un jour elle a parlé avec un Maurice au téléphone qui lui a dit "allo ma soeur" avec un accent français et il a bien fallu que quelqu'un lui explique quelque chose, alors c'est comme ça qu'elle a su. Elle a aussi un père qui s'appelle Ricardo mais elle le connait pas non plus parce que quand on la portait chez lui, il l'emmenait tout de suite après chez sa mama tellement il savait trop pas quoi faire avec. La mère l'a su et elle a emmené sa fille en Allemagne pour que plus jamais personne lui fasse de la peine, elle s'est mise à toujours dire qu'elles étaient bien hein toutes seules les deux et qu'elles avaient pas besoin de personne en tout cas. Elles ont jeté les photos de Ricardo, celles de lui sur son vélo celles de lui sur la montagne, et celles surtout de la journée à la piscine quand une autre petite fille avait couru dans ses bras en criant "papa papa" et qu'ils étaient partis sans rien dire. Elles ont aussi jeté les photos des autres monsieurs qu'elles savaient pas s'ils avaient rapport dans une histoire ou non, certains avec des moustaches d'autres avec des gros sourcils et certains encore avec des gros muscles et des haltères.

Maintenant elle est revenue là où elle est née avec son ex Allemand qui veut encore la garder pour lui tout seul mais elle veut rien savoir. Quand elle marche dans la rue avec ses enfants dans la poussette, elle cherche les faces qui lui ressemblent, elle aimerait donc ça avoir une grande soeur surtout parce que Maurice il répond plus jamais au téléphone et qu'elle a présenté ses deux filles à Ricardo, qu'elle a revu mais qu'elle appelle juste Ricardo, et qu'il préfère sans se cacher celle qui lui ressemble le moins à elle. Et aussi parce que sa voisine rit pareil pareil comme sa mère et que c'est fucké. 


Je veux les présenter. L'un à l'autre, lui à elle.

lundi 11 juillet 2011

Les oreillers.

C'est les oreillers qui nous stoolent.
Quand le matin 'sont plus d'un bord ou de l'autre. Souvent 'sont au milieu ça veut dire qu'on s'aime égal. Je rêve-tu ou c'est vrai ça marche.
Ces temps-ci 'sont surtout de ton bord, genre la mienne embarquée par-dessus la tienne en moton.
Au début c'était le contraire mais là ça change souvent dans nos vies.

Je pense que je te cours un peu après ça se peut-tu.

lundi 4 juillet 2011

Avec ma tête de floune.


On dormait pas. On avait des cernes grosses comme nos joues de monde qui mange de la rillette pis du pain pis des pâtes pis des steaks saignants pis des fromages forts. Aussi comme du monde qui fume des cigarettes longues pis qui boit du café extra crème pis qui sirote à deux des vingt-six onces d'Amaretto sur glace pis du Pernod pis du Ricard pis de l’Absinthe pis plein d’autres choses que je suis pus capable de sentir sans dégueuler astheure. On sortait tous les soirs on dépensait tout notre argent, on titubait on tombait partout, on était pleins de bleus on avait mal à la tête on dormait avec toutes sortes de monde, on s’en foutait on disait n’importe quoi on chantait fort en faussant des chansons pas à la mode sur le plateau qu’on adorait, nous. On avait les cheveux couleur nature on se maquillait pas, on s’habillait en pyjamas ou en déguisements, y avait pas encore la retenue le contrôle de soi le semblant de savoir-vivre, la mode les in les out le PR les régimes, maudit qu’on était beaux pis on était jamais fatigués. Je repense à ça, calvaire j’ai l’impression de pus être moi ou d’en avoir manqué un boutte. C’est pour ça que je vous ai appelés pour vous dire allo on se fait tu des retrouvailles pis vous avez dit oui pis je pleurais quasiment, à soir je vous attends dans mon nouvel appartement coin Duluth avec ma tête de floune pis vous autres aussi j'espère, même si vous avez quarante ans.