Je n'ai pas de tête. Je suis omnipolaire. Je marche dans les rues en chantant mal et en faisant des punch de drum avec mes mains et en buvant du vin dans un sac en papier brun. Je bois aussi des cafés-filtre au Dégueulton, des fois j'y travaille et tout le temps j'y écoute aux tables. Je sors danser dans les bars country. Je suis pas super en Charleston. Je cherche une liberté douce. Je fragmente les histoires des gens que je rencontre au cours de mes soirées qui n'ont ni tête ni rien non plus.

mardi 29 novembre 2011

Lola coupe bol qui est partout.

La première fois que je l’ai vue c’était dans un souper, je m’en rappelle très bien j’étais avec mon pas-chum et tout le monde s’était arrêté de parler quand elle était entrée. Elle avait un visage de poupée avec de grands yeux et une peau pâle, un corps mais un corps je me suis dit elle est danseuse c’est clair et oui elle l’est, danseuse. Ce qui était le plus fou c’est qu’elle avait une coupe bol, c’était pas à la mode c’était en 2008 probablement, et elle l’a toujours encore aujourd’hui c’est fou, une si belle fille avec une coupe bol et tout le monde pourrait rire mais personne ne rit. Elle disait rien elle dansait un peu, elle danse comme une chandelle sans cesse, elle sort les fesses et elle fait des étirements de danseuse et personne ne parle pendant ce temps-là tout le monde regarde. J’ai demandé à mon pas-chum c’est qui et il a dit c’est Lola et j’ai pensé qu’en plus elle avait un nom comme Lolita la pas fine dans Kubrick, c’était parfait comme pas permis, comme un alignement de faits extraordinaires. Après il m’a raconté qu’elle avait brisé le coeur de Joseph qu'elle l'avait niaisé raide et que Joseph avait mis deux ans à s’en remettre et je l’ai cru, même que non moi je suis certaine qu’il s’en est même pas encore remis pour de vrai moi en tout cas je m’en remettrais pas.

Je sais pas mais je l’ai jamais oubliée Lola Lola Lola je comprenais pas tant pourquoi sur le coup mais à force maintenant je comprends. Je l’ai revue elle était avec un-tel à la pâtisserie, elle mangeait des choux à la crème elle s’empiffrait de petites douceurs, elle en avait partout sur le visage elle se léchait les doigts et tout le monde aurait pu rire mais non personne ne riait encore, et un-tel avait les mains dans ses poches il jouait à la statue avec une face de choux. Plus tard je l’ai revue toujours elle était avec un-autre-tel dans un bar encore à jouer la chandelle et elle buvait du scotch à grosses gorgées elle tapait son verre sur la table et elle riait vraiment fort et un-autre-tel buvait rien il faisait juste regarder. Après c’était dans le métro, elle était seule sur le quai, je veux dire elle était là et tout le monde était incliné vers elle comme si elle avait eu de la lumière autour, moi j’étais de l’autre bord du quai et je voyais qu'elle savait qu'elle s'en foutait je commençais à être tannée mais pas autant que quand je l’ai vue dans un vidéoclip à la télé parce qu’elle avait le rôle titre de la reine de toutes les reines, mais quand même pas autant que la dernière fois quand je l’ai vue au restaurant à boire du thé avec un autre gars qui arrêtait pas de parler pour l’impressionner mais qu’elle elle répondait jamais rien, qu'elle souriait mais que dès qu'il regardait ailleurs elle faisait tourner ses yeux de princesse.

J’ai compris mais je suis pas sûre mais je pense que dans le fond elle tout le monde l’aime mais qu’elle aime personne pis que c’est un qui voyage vers l’autre et l’autre qui voyage vers l’un, je suis peut-être juste jalouse mais peut-être pas aussi.

mercredi 23 novembre 2011

On va tu faire du ski de fond.

Quand j'ai ouvert mes yeux je me suis dit c'est Noël c'est sûr, je comprenais pas pourquoi je pensais ça mais je le pensais il était 7 heures ça sentait l'hiver j'ai couru en bobettes jusqu'à la cuisine et j'ai vu, la neige. J'ai compris pourquoi la veille j'avais bu 5 cafés au travail et que Gab et moi on avait pas arrêté de chialer de pleurer de trouver tout le monde laid de sauter partout pis d'avoir hâte de rentrer à la maison pour frencher d'amour.

Je sais pas comment ça mais c'est ce matin de neige que j'ai voulu relire l'Amant de Duras, la copie que j'avais achetée pour donner à un gars qui voulait pas de cadeau, j'avais même écrit un mot à la première page ça disait quelque chose comme j'espère que ce livre te réveillera le goût d'aimer librement du coeur et de la peau autant qu'il l'a fait pour moi et aussi je t'aime avec des petites larmes dans mes yeux. Je sais c'est trop poche maladroit c'est pour ça que je lui ai jamais donné, et aussi parce que ce gars-là méritait pas de lire un beau livre de même, je l'ai gardé et je l'ai relu et je l'ai même utilisé dans un spectacle où y fallait que je fasse à semblant de lire dans un autobus, mais un coup rendue là j'ai freaké j'étais sûre que tout le monde dans la salle pouvait voir mon message à la con à travers la page couverture, j'ai vraiment freaké rare j'ai grafigné le livre blanc pendant tout le numéro, blanc, j'avais des ongles rouges y a des marques rouges qui sont restées, comme des marques de griffes de chat. Ce matin alors je l'ai cherché pour le relire et je l'ai jamais retrouvé, j'ai regardé deux fois ma bibliothèque en ordre livre par livre j'ai fouillé partout j'étais en tabarnouche, sincèrement c'était probablement un signe parce que ma photo préférée était tombée du miroir presqu'en même temps ça a pas vraiment rapport mais dans ma tête oui.

Je suis au café d'à côté, j'ai fait de l'écriture automatique dans ma tête tout le long en m'en venant mais j'ai tout oublié. Une fois arrivée dans la file pour commander j'avais une envie débile de danser mais je me suis retenue et là y a un bébé qui arrête pas de me regarder, sa mère a l'air jalouse rare.

C'est donc ben fatiguant les tempêtes de neige.

dimanche 6 novembre 2011

I remember you well.


Je me souviens d’elle avec des lunettes soleil oui c’est ça, toujours les lunettes toujours même la nuit même à la pluie elle disait que c’était parce qu’elle avait pas de linge mais que ses lunettes l’habillaient. Que n’importe qui avec ces lunettes-là aurait l’air fameux sur le Hollywood Boulevard et qu’on savait jamais quand est-ce qu’on aurait à faire avec ça. Je demandais c’est où le oliwoud boulevarde Titi et elle répondait que c’était à 4584 kilomètres par la quatre-vingt ouest mais que ça me dirait rien. Ça me disait rien non. Ça me disait rien mais je dessinais souvent Titi et moi dans la Ford et au-dessus de la feuille j’écrivais oliwoud boulevarde, jusqu’à temps que Titi me montre comment ça s’écrivait en vrai parce que j’étais niaiseuse. Sinon moi j’allais pas à l’école parce que c’était juste pour les sans dessin et j’avais de la peine un peu pour ceux qui pouvaient pas dessiner parce que vraiment j’aurais braillé fort si j’avais pas pu, ça et écouter Sgt Pepper’s lonely hearts club band que Titi disait que c’était de la musique trop droguée pour moi mais que pour aujourd’hui c’était ok et finalement c’était ok tout le temps, sauf quand je faisais pas mes leçons comme du monde. Des fois elle chantait aussi Titi, en faisait la vaisselle ou en faisant bouillir des patates, mais elle chantait mal je riais et je pissais dans mes bobettes.

-    -   C’est qui qui rit de Titi là?
-    -   C’est pas moi Titi!

On était juste nous deux, j’étais niaiseuse toujours. Quand je mentais ma punition c’était de couper les têtes de truites les matins où on allait à la pêche. Titi voulait que j’opère pendant qu’elles gigotaient encore, pour pas qu’elles étouffent longtemps, ça glissait rare et si le cœur sortait par malchance par le trou, il battait tout seul comme si c’était pas normal et ça me faisait très mal au ventre. Après ça je pissais plus dans mes bobettes et je mentais plus sauf une fois ou deux. Titi répétait tout le temps qu’il fallait que je sois une femme forte pour quand je serais seule au monde, genre couper les poissons sans chialer ou mettre le bois dans le poêle, et de jamais laisser un homme faire à ma place mais j’en connaissais pas vraiment alors c’était sûrement ok. Je pense pas que Titi était belle ni moi, en tout cas des fois je trouvais mais souvent non ça dépendait des jours, et c’est peut-être pour ça qu’on avait pas d’homme au foyer comme en avaient mes voisines qui elles étaient très sublimes. C’était la seule différence entre elles et moi je crois, ça et aussi que nous on se baignait toutes nues dans le lac et elles en costumes. Le monde nous gueulait après pour ça et Titi se défendait que c'était nécessaire de surtout jamais avoir honte de ses cadeaux, que c’était abominable de montrer la honte aux enfants et qu’on avait juste à écouter un peu de belle musique pour se rendre compte de la nécessité de cette liberté de vivre là. Je criais bravo ma Titi bravo et j’applaudissais fort pendant que les autres se bouchaient les quenoeils.

Le mercredi on partait en ville dans la Ford manger de la crème glacée molle dans des cornets et voir des concerts dans des bistros très chics, des fois j’étais trop jeune pour entrer mais Titi savait bien négocier. Souvent on arrêtait chez Lucille, qui faisait des élixirs avec de l’huile de fleurs précieuses et qui les vendait. Lucille avait des yeux, plus que les autres personnes je veux dire, on les voyait beaucoup et ils donnaient des étourdissements. Titi m’avait expliqué que c’était une sorcière Lucille mais une bonne sorcière, genre qui savait trouver des réponses sur les choses. Lucille parlait parlait toujours très longtemps avec les paupières fermées, ça me relaxait j’aimais pas ça ces yeux-là. Des fois elle me disait des secrets, des trucs juste à moi comme de porter des meilleurs souliers parce qu’elle me prédisait des oignons sur les gros orteils, ou d’arrêter de botter les choses quand j’étais pas bien dans la tête. Ou bien des choses à Titi et à moi, comme une fois de pas prendre la Ford pour une semaine à cause des accidents mortels de la route. Ou encore juste à Titi certaines fois, par exemple de se mettre de la crème à la rose pour l’amour de soi et de faire brûler des chandelles chaque jour et Titi se mettait à brailler.

Une fois, Titi a voulu parler à Lucille sans que j’entende, elles se sont éloignées mais j’ai des bonnes oreilles moi j’ai écouté. Je suis presque certaine que c’était ça son secret, ça disait Lucille Lucille je suis bien toute seule ici mais des fois j’aurais envie d’un homme et de voyages Lucille. La maudite, elle essayait de me conter des menteries. Lucille a deviné que j’avais entendu et elles se sont cachées dans la shed en arrière du magasin, quand Titi est revenue elle était toute bizarre avec des joues pâles et un papier dans ses mains. J’ai demandé c’était quoi l’affaire mais elle m’a menacé de me faire couper les têtes alors j’ai plus rien demandé de la journée, surtout parce que j’avais un cœur gros beaucoup cassé de pas pouvoir savoir ses cachotteries à ma Titi. J’avais envie de crier t’es pus mon amie câlisse de Titi, mais comme j’ai pas le droit de sacrer les mots d’église j’ai rien fait.

Pas longtemps après, Titi a mis mes crayons mes feuilles de papier construction et mon disque dans mon sac à dos et elle m’a dit que je passerais la nuit chez la voisine, celle que j’aimais le moins parce qu’elle voulait toujours couper mes cheveux avec les ciseaux à sa mère. Je sentais si fort la solitude de l’abandon en moi que j’ai même pas trouvé la force de pleurer ou de dire rien, j’ai mis mon manteau et j’y suis allée tout fin seule. Toute la soirée même aux heures des étoiles j’ai regardé par la vitre, même quand tout le monde dormait j’ai regardé, et même quand le ciel a ouvert j’ai regardé encore, si Titi faisait quelque chose de spécial ou quoi mais j’ai rien vu sauf une auto grise dans le driveway. Je me suis endormie cinq ou six instants et en ouvrant les yeux y avait plus l’auto, je suis sortie de la maison et j’ai attendu Titi sur le perron mouillé de gouttes. Après ça c’est devenu chronique, chaque sept jours ou même des fois plus, même des fois aux trois jours elle me laissait. Aussi elle voulait toujours me parler de ça on aurait dit, elle tenait à me faire asseoir pour me causer mais je voulais rien savoir je bouchais mes oreilles je chantais goud mornigne goud mornigne je courais partout dans la cuisine en essayant de botter le chien. Même quand j’étais là à la maison c’était pas pareil, ma Titi était comme plus ma Titi elle était comme une moitié en Titi et une moitié en ciment qui regarde toujours nul part. Elle faisait du poulet elle regardait nul part, elle écoutait des chansons et elle regardait encore nul part et même pas les mêmes chansons qu’avant qu’on écoutait ensemble, plus des chansons très sombres et très secrètes, comme des messes mais avec de la guitare tranquille et des larmes. Je voulais rien savoir, même pas c’était qui ces chansons-là je voulais plus rien entendre parler de rien et je répétais souvent que je voulais déménager chez ma gardienne une bonne fois pour toutes.

Un matin Titi est venue me chercher et elle était folle. Elle a dit devine quoi je m’en vais pour une semaine mais pas à Hollywood non à New York dans un bel hôtel avec une piscine et un lit blanc à 735 kilomètres cette fois. J’ai capoté j’ai sauté partout j’ai crié youpi youpi mais elle m’a expliqué qu’elle y allait toute seule sans moi avec son nouveau chum Armand et son auto grise à lui, que d’ailleurs elle voulait m’en parler avant mais que si je voulais je pouvais le rencontrer le lendemain avant qu’ils partent, qu’elle allait le convaincre, comme ça j’aurais pas besoin d’aller chez la voisine au moins une nuit. Je sais pas pourquoi dans ma tête mais j’ai dit oui ok j’ai dit oui c’est entendu et je me suis évanouie un peu par en dedans. Le lendemain elle a invité Armand  et on l'a attendu avec des breuvages froids et des chips au ketchup. Titi avait ses joues pâles des grands jours et moi j’avais mis une robe à rayures et une bouclette dans ma tresse. On l’a attendu Armand, jusqu’à temps que je m’endorme trop dans le bol de chips jusqu’à temps que Titi finisse la caisse de bière et qu’on se couche toutes les deux en cuillère dans le même lit avec moi qui disait c'est tu de ma faute Titi tu penses et aussi jusqu’à temps que ça fasse trop longtemps pour en parler encore jusqu’à temps que les disques s’usent et on en a plus jamais parlé sauf une fois, quand Titi m’a dit dans l’oreille on est laittes mais au moins on a la musique, c’est-tu pas beau comme paroles ça?

Aujourd’hui j’ai entendu une chanson sur la radio dans mon auto, pas la Ford mais toute autre chose maintenant de mes jours que je conduis moi-même, c’était une chanson qui parlait des mots comme I remember you well in the Chelsea Hotel et un peu plus tard des mots comme I need you, I don’t need you, deux fois, et je crois que c’était une chanson que Titi écoutait dans le temps du temps où je comprenais encore moins quand c’était en anglais, j’ai pas plus saisi là mais j’ai braillé tellement fort que j’ai dû me mettre sur l’accotement et j’ai noté les paroles. Tantôt je chercherai de qui ça vient.