Je n'ai pas de tête. Je suis omnipolaire. Je marche dans les rues en chantant mal et en faisant des punch de drum avec mes mains et en buvant du vin dans un sac en papier brun. Je bois aussi des cafés-filtre au Dégueulton, des fois j'y travaille et tout le temps j'y écoute aux tables. Je sors danser dans les bars country. Je suis pas super en Charleston. Je cherche une liberté douce. Je fragmente les histoires des gens que je rencontre au cours de mes soirées qui n'ont ni tête ni rien non plus.

samedi 28 mai 2011

Extrait de quand on s'invente une vie.



Depuis ce temps-là je mange plus du tout ni rien. Les gens mangent et digèrent et ça me rend incroyablement mal, je pensais que c’était fini depuis que j’ai quatorze ans mais c’est revenu. Hier c’est la honte y a une fringale qui me prend, je mange deux petits gâteaux en deux bouchées je repense aux filles cerise-croquable qui font du jogging en shorts dans ma rue que l’Acteur doit tout le temps mater et qui me font sentir comme de la marde. Après ça je veux aller me faire vomir mais y a rien qui sort et ça fait mal alors je soupe pas. Ma coloc me supplie, je réponds que non et elle se met de dos et pleurniche un peu. En tout cas j’entends son nez couler pendant qu’on fait la vaisselle, mais j’ose pas regarder je siffle « L’Été Indien» vraiment fort vraiment sûre de mon coup. Tout ça c’est pas trop grave de toute façon parce que j’ai rencontré l’homme de ma vie sur une photo il est même pas beau sur la photo mais j’ai capoté, il a une moustache même si j’aime pas ça je me retourne et je dis hey je suis dans le trouble, mon amie qui dessine des oiseaux sur ses bras comprend plus rien. Je sais que je le verrai bientôt en vrai parce que c’est son nouvel ami et avec un peu de chance il aura coupé sa moustache et il portera quelque chose de swell parce que j’ai regardé ses autres photos Facebook et des fois il a pas de moustache et des billes en bois aux oreilles et il est genre le plus beau gars que j’ai jamais vu avec des yeux bleus débarbouillette et des bouclettes.

J’ai le ventre vide vide c’est gossant parce que je sais pas ce qu’il aime ça me dégueule, sauf que je sais qu’il est un peintre Verseau, c’est pas une blague je m’en sortirai pas. Je le vois je tombe presque à terre – il a vraiment coupé sa moustache et il a vraiment des billes aux oreilles, moi j’ai un collier de billes aussi pour que ça soit beau –, on s’assoit sur la terrasse de la taverne et il est à côté de moi sauf que je fais juste une affaire pendant vraiment longtemps; au lieu de parler de sourire ou de boire mon whisky ou de le regarder je regarde mes cuisses posées sur la chaise et je mesure leur largeur avec ma jugeote, ça doit être au moins deux pieds de large, deux fois ses cuisses à lui, c’est trop j’ai chaud je meurs. Ensuite je vais aux toilettes me remettre de la poudre anti luisance, ensuite j’essaie de trouver une position de cuisses qui m’avantage plus, ensuite je retourne aux toilettes me peigner les cheveux en faisant des jumping jacks, et tout ce temps-là lui il rit avec les mêmes filles que celles qui joggent sur ma maudite rue. À la fin de la soirée y a plus que lui moi et mon amie aux bras oiselés, lui il échappe ses clés à terre et il me regarde en les ramassant pas alors je me penche et je veux lui redonner mais il me dit : non. Moi je dis : oui,  lui il dit : non, alors je demande pourquoi en tremblant dans ma voix et il me répond que c’est parce qu’on va partir ensemble de toute façon, pour aller chez lui. Je deviens rouge-mauve et je lui dis que non que je ferais jamais ça que je suis loin d’être de même que ouf non non non. Quand on se quitte je pleure presque et ça prend presqu’une semaine avant qu’on se revoie, moi je mange pas tout à fait encore je dors pas vraiment non plus et ma coloc me parle plus du tout. Cette fois-ci lui et moi on discute d’un ou deux trucs quand même, comme sa peinture fuckée, après ça il me regarde pendant peut-être cinq minutes non-stop et finit par me dire que je suis une belle petite fille. C’est vraiment ses mots :

-       Tu es une belle petite fille.
-       Merci.
-       T’as quelque chose.
-       Merci.
-       Des choses belles pis des choses pas belles.
-       Merci.
-       T’as des secrets.
-       Ok.
-       Je vais les savoir bientôt.
-       Ok.

Il me flatte le dos je râle presque comme une chatte, il met ses mains dans mes cheveux il caresse vraiment fort je ne suis plus de ce monde, il me dit qu’il a vraiment envie de me recevoir dans son lit et que le lendemain on aille déjeuner avec des saucisses et qu’on se saoule au karaoké et je réponds que moi non. C’est pas ça que je veux j’ai su des choses sur lui j’ai su qu’il faisait ça avec toutes les filles, la même affaire, toutes toutes même les pas belles même celles qui ont pas de billes dans le cou ni de secrets. Les fluides de filles sont mélangés dans son lit, elles sont toutes amoureuses toutes folles à lier comme des connes, et s’il y avait une bille dans sa boucle d'oreille pour chaque fille il aurait une tête rienqu’en billes. Je veux pas ça. C’est pas ça.

Ce soir-là, quand on se quitte, je pleure vraiment et je veux plus rien savoir de la vie. 

Ça prend deux jours pour qu’on se revoie encore. Cette fois-là c’est la pleine lune et je suis saoule morte à la téquila et je me laisserais toucher par n’importe qui même quelqu’un qui a des seins, lui il vient me voir avec ses yeux d’ecchymose et il me dit :

-       Je te le demande une dernière fois, s’il vous plaît voudrais-tu faire l’amour avec moi ce soir Stéphanie.
-       Non non.

Je me suiciderais right there. Lui il feel pas non plus il regarde notre amie-oiselle et il a l’air trop trop triste il demande :

-       Qu’est-ce qu’il faut que je fasse pour faire l’amour avec Stéphanie-nie-nie jolie Stéphanie la petite fille qui a des secrets.

Et il m’a. C’est ça c’est bon. Je le tire par le bras, on s’en va au dépanneur acheter des cigarettes, on marche rien que sur les craques de trottoir on chante du Marie-Denise Pelletier vraiment fort et lui il me sent partout en même temps et il dit que je sens rien. On arrive chez lui, y a une odeur de serviette trempe et de gomme balloune, il veut qu’on prenne une douche je suis gênée mais je ferais tout tout pour lui, c’est ça. Dans sa douche qui pue il fait rien que me regarder laisser couler du maquillage sur mes joues en faisant à semblant de prendre des photos, il dit que c’est genre la plus belle chose qu’il a vue depuis longtemps il répète encore encore plus de noir-bleu sur les joues à Stéphanie, il dit qu’il veut s’en souvenir toujours. Après ça il me fait un massage mais on fait même pas l’amour il veut pas. Je suis un peu vexée même si j’aurais répondu non, je sais pas si c’est comme pour l'autre d'avant et qu'il aurait pas bandé ou quoi

On se revoit encore et encore. Je suis tellement fâchée de l’aimer autant que j’appelle Joseph petit raton pour qu’il vienne me consoler. Je l’avoue au peintre et il me crie dessus parce qu’il veut pas le savoir mais comment je pouvais le savoir. Il veut pourtant que je lui dise des choses, il me demande toujours dis-moi des choses. Je sais jamais quoi lui dire je veux pas lui donner des balles à mettre dans son fusil. Je veux pas lui montrer que j’ai envie de lui parler je veux pas lui montrer rien même pas mes seins même pas rien, il me dit laisse ta tête aller mais comment comment donc que je pourrais quand il me répète toujours qu’il m’aime pas, qu’il aime l’autre la fille en voyage qui revient jamais, qu’y faut pas m’attacher que nous c’est rien, et quand il m’appelle la nuit l’après-midi pour me dire qu’il veut me voir et qu’il m’invente des chansons pour mon répondeur, un message une chanson par jour et quand il me regarde tout le temps, quand il me pousse sur la balançoire et qu’il apprend mes recettes préférées, qu’il me dessine sur les derrières des paquets de cigarettes, comment donc que je pourrais comprendre quelque chose et parler, comment donc.

On s’en va déjeuner et il me dit c’est fini et je réponds c’est fini et quand la serveuse vient nous voir pour nous demander si c’est fini, il lui répond oui c’est vraiment fini et elle elle rit, elle croit que c’est une blague mais on lui répond que non, non, que c’est vraiment vrai. 

À sa fête ça fait des mois bien bien après, des mois j’aurais dû oublier mais non je marche, je laisse les lumières de circulation décider où je m’en vais, il neige un peu c’est doux, je pense à lui je le cherche dans les bancs de glace brune et je le vois, là sur le coin avec son coat vert poivron, il parle au téléphone. Je me retourne en remontant mon capuchon pour pas qu’il me voie. Je rentre doucement chez moi, je chante : happy birthday to you, du bout des lèvres froides.

dimanche 22 mai 2011

Pas de sexe juste le cinéma.


J’ai rencontré un autre gars acteur Verseau que j’écoutais dans ma télévision à la journée longue quand j’étais au Cégep, il parlait fluide fluide de la voix ça me faisait capoter. Et là je le vois avec des amis d’amis d’amis et on se dit salut et aussi ça va et je touche sa main douce d’homme pas tant homme, avec des ongles lisses et coupés parfaits, ça me fait un frisson. Le lendemain il me demande d’être son amie sur Facebook je capote encore ben raide, il m’a même écrit un message ça dit y faudrait se revoir bientôt. Est-ce que c’est moi qui invente des trucs ou quoi il me semble que c’est comme une moitié d’invitation peut-être, ou peut-être que c’est rien comment je peux le savoir je lui réponds oui quand tu veux avec un petit bonhomme aux quenoeils qui sourient et il me répond trois minutes après avec son numéro de téléphone, il dit qu’il est gêné mais qu’on peut aller au cinéma demain que c’est pas trop gênant ça. Des fois ça arrive dans ma vie des affaires de même out of nowhere pis après ça c’est dur de pas croire en quelque chose. On va voir bien sûr un truc allemand sur la guerre pas écoutable que je fais semi à semblant de trouver intéressant, lui il s’en bave dessus tellement il aime ça ses yeux bleus d’hippocampe sont fous de fascination alors après on va prendre une bière pour mieux en parler, il parle il parle il dit qu’il a compris des choses que les autres n’ont pas comprises, que s’il veut il peut avoir n’importe quoi n’importe qui, qu’il est un enfant indigo et moi je sais même pas c’est quoi mais je dis hum hum (après j’ai su que ce sont des enfants spéciaux intellectuellement et spirituellement supérieurs avec des dons comme la télépathie admettons, quand même). Je l’écoute encore longtemps parler de ses anciens voyages et de ses anciennes baises dont une qui avait un peu un gros cul et je suis traumatisée de la façon qu’il le dit on dirait que c’est la chose la plus répugnante qu’il a jamais vue, mais sa voix est douce et je suis perdue totalement dans sa face parfaite avec ses arcades sourcilières qui fittent avec sa mâchoire, et ses deux yeux plantés comme des billes dans de la crème glacée à la vanille, et sa bouche rouge comme des smarties et sa petite craque entre les dents d’en avant qui dit come on. Vers les trois heures du matin il se lève et me dit bye bye sans rien de plus, deux becs sur les joues.

-       Bye bye.
-       Bye bye.

Je suis plantée en plein milieu du bar comme un cornet fondu plein de garnotte.

Le lendemain je lui écris même pas, je suis sûre qu’il a vu dans mes yeux comme je suis conne et c’est mon cul aussi, et c’est déjà fini c’est tout. Mais j’ai un picot rouge dans ma boîte avec un « 1 » dedans, j’ai un message, allo c’était vraiment cool hier est-ce que tu veux aller voir un autre film demain soir? Ah wow wow j’aime énormément les films de guerre allemands tout d’un coup je pourrais aller en voir au moins six autres, je réponds oui ça recommence, suédois ce coup-ci c’est pas trop pire, après on marche dans les rues jusqu’à quatre heures du matin et il me parle de plein d’autres choses sur lui je commence à le connaître par cœur. Arrivés devant sa maison il me dit bye bye encore deux petits becs et là j’attends longtemps seule sur le trottoir, je réfléchis je me dis qu’y doit vraiment y avoir quelque chose que j’ai pas compris sur l’existence et sur les relations humaines. Mais j’ai encore un message une semaine plus tard, j’attends toute la journée avant de lui répondre, j’écris ben ça dépend parce que moi je veux vraiment qu’on fasse l’amour mais on dirait que toi non alors ça dépend. Il répond come on viens au cinéma avec moi mais j’ai toujours pas ma réponse, alors j’y retourne c’est sûr. Après le film (indien) on se couche dans le parc devant chez lui parce qu’il veut encore qu’on se sépare mais moi j’ai raté mon bus et j’ai très soif, je veux un verre d’eau. Il me propose de m’en donner un et de me présenter son perroquet en même temps, il parle et chante très bien qu’il dit. 
Chez lui c’est doux avec des plantes vertes, je veux pas partir et il a encore plein de choses à me raconter, tellement que je manque encore mon bus et qu’il me propose de me faire un petit lit dans le salon. Au début je dis non mais je manque mon troisième bus et là y en a plus je suis faite. Il me sort une brosse à dents neuve, c’est cute de sa part, et pendant que je me lave le visage il me crie par-dessus la porte :

-       Je suis vraiment vraiment content que tu sois restée.

Moi je pense juste au maudit lit sur le divan-lit qui m’attend.
Je me couche dessus, c’est froid comme un trou je suis juste en dessous de l’air climatisé. Je l’entends lui dans sa chambre qui bouge dans ses couvertes qui font scroutch scroutch, il soupire, il grogne, il ouvre la fenêtre, il s’allume une clope. C’est pas vrai que je me dis. C’est pas vrai que je vais coucher ici sans coucher dans sa chambre c’est pas vrai, je me lève en grosse panique, je vais le voir je lui dis allo je peux-tu dormir avec toi mais on est pas obligés de faire l’amour en fait je veux pas faire l’amour pentoute juste dormir collée sur toi ok j’ai froid pis je m’ennuie pis j’ai peur du noir pis des divan-lits, pendant que je parle je me couche et il est déjà sur moi avec ses mains sur mes seins et sur mon cou il m’embrasse sur la bouche et moi tout ce que je me dis c’est Jésus Jésus faites que mon cul soit pas trop gros à soir.

Après ça essaie de pas virer accro. Le lendemain je l’appelle pour lui proposer un film indonésien mais il répond pas, le surlendemain je lui laisse un message, il me rappelle il dit que ça lui tente je saute tout partout sans faire de bruit dans le téléphone, on se donne rendez-vous. Une heure plus tard il me rappelle :

-       Ça me tente de te voir mais ça te dérange tu si on fait pas de sexe? Juste le cinéma?
-       Non non ouf vraiment pas c’est ben correct ouais vraiment pourquoi?
-       Ben c’est parce que je voyais une fille avant toi que je respecte plus que tout une fille merveilleuse tellement belle tellement dans mon cœur pour la vie pis à elle j’ai dit non alors comment je pourrais dire oui à toi?
-       C’est ben correct là, parfait parfait, t’en fais pas ça me dérange pas pentoute.

Je raccroche je feel pas numéro un, je regarde dans le vide longtemps, le téléphone sonne encore c’est lui :

-       Ouin finalement je pourrai pas à soir je vais prendre ça relax j’ai un tournage demain et tout tsé…
-       Ah pas de problème ça me dérange vraiment pas on va se reprendre cool cool.

Et là j’entends le bruit de fond, il est dans un bar avec ses amis ça parle fort ça se bidonne, je raccroche je dis rien je crache des larmes de partout dans ma face, ma coloc-sœur me regarde avec ses gros yeux, le téléphone dans sa main vers moi. Elle me dit de l’appeler que ça a pas de bon sens que je suis une vraie farce et elle a raison je compose son numéro je suis all over the place :

-       Salut Monsieur je voulais juste te dire que c’est pas vrai que ça me dérange pas ça me dérange énormément les gens comme toi qui font sentir les autres comme de la marde ‘fait que je voulais juste te dire de plus jamais de ta vie penser à m’écrire ou m’appeler bye.

Tiens toi.

samedi 14 mai 2011

Qui brillait qui brillait.

C'était à quelque part où des fois on voit juste les yeux. Du tissu noir pis des yeux de femme, même pas de mains. Des yeux bien maquillés, qui portent tout le poids d'être les seuls qu'on voit. À côté de la femme y a souvent un mari en gougounes-bermudas-jeans en t-shirt copié sur ceux des Américains. Y sourit ou y baboune, on le voit; sa femme on le sait pas sauf des fois y en a qui sont bonnes avec les yeux.

C'était dans un pays étrange et laid au Nil tout brisé et si beau aussi, où les gens sont sortis dans la rue pour la politique, forts forts grands grands. Maintenant ils ont des buildings brûlés et plus beaucoup de touristes, alors quand ils en voient ils deviennent comme étourdis et fous un peu alors ils leur lancent des trucs dans les mains ils leur mettent des trucs sur la tête et ils crient ils disent ten pounds twenty pounds, les touristes disent non mais ils les écoutent pas ou ils deviennent très fâchés, ils les suivent sur un kilomètre et ça recommence à chaque coin de rue.

C'est pour ça que quand on a pris la madame qui brillait en photo, avec Amélie à côté, et qu'elle a tendu ses mains en nous donnant des becs, j'ai sorti mon porte-feuille, j'ai tendu un ten pounds. Et quand elle a dit non non on comprenait plus rien, on se demandait si c'était pas assez ou quoi, jusqu'à temps qu'on se rende compte que tout ce qu'elle voulait c'était une photo avec moi aussi et que des larmes nous sortent des yeux.

J'me suis assise à côté d'elle et là on s'est collé une couple de secondes.