Je n'ai pas de tête. Je suis omnipolaire. Je marche dans les rues en chantant mal et en faisant des punch de drum avec mes mains et en buvant du vin dans un sac en papier brun. Je bois aussi des cafés-filtre au Dégueulton, des fois j'y travaille et tout le temps j'y écoute aux tables. Je sors danser dans les bars country. Je suis pas super en Charleston. Je cherche une liberté douce. Je fragmente les histoires des gens que je rencontre au cours de mes soirées qui n'ont ni tête ni rien non plus.

samedi 25 décembre 2010

C'est Noël c'est pleine lune c'est éclipse c'est solstice.

Artist: WinonaCookie
Bruno pensait que j'avais 32 ans, Stéphane pensait que j'en avais 35. Qu'est-ce que j'leur avais fait à ces deux marlots-là, peut-être que j'avais la peau maganée de shooters, peut-être que j'étais peignée drôle, peut-être que j'ai les fesses tellement molles hum hum. Y ont voulu que j'aille chercher des témoins pour me prouver, que je sorte mes cartes aussi; dans le fond, je pense qu'ils voulaient juste me mettre en beau calvaire pis on s'en sacre tu que j'aie 32 ou 35 ans. Eux anyways ils étaient pas fins fins, un Petit un Grand, monoparentaux célibataires avec beaucoup de douchebagness mais pas du vrai, juste des layers sur leur cœur sec mais mouillé au milieu. Pis ils sortaient juste une fois par année (ce soir-là).

Je sais même plus pourquoi je leur parlais, ils avaient pris Samo pis moi en photos; mal cadrées à chaque fois, fallait recommencer. J'les soupçonne que c'était calculé pour nous obliger à dire bla bla qu'est-ce 'tu fais d'bon moi je classe des papiers moi je donne des ordres ah ouais moi je fais rien pis j'suis cassée. Ah t'es cassée? Tiens des shooters, tiens tiens, bois fille, c'est Noël c'est pleine lune c'est éclipse c'est solstice c'est parté ça nous fait plaisir.

Merci Bruno merci Stéphane, j'étais ben pactée pis j'vous aimais pas mal. Bref, à force de shooters, j'ai commencé à avoir de l'imagination.

- Comment ça t'as l'air vieille de même?
- C'est simple c'est parce que j'suis une diseuse de bonne aventure.
- Ben oui c'est ça, lis donc mes lignes de main voir.
- Dans ta main (en parlant du Grand, me souviens plus qui qui est qui), je vois que t'as été beaucoup déçu dans ta vie, plein plein de déceptions, t'as de la misère à faire confiance au monde hein. Tu sais ce qui faut que tu fasses dans ta vie, c'est que tu t'assumes en tant qu'homme, que tu arrêtes de douter de toi. Si tu te fais confiance, tu vas apprendre à faire confiance aux autres, un peu de colonne pis tiens-toi debout.

Le Grand avait la mâchoire à terre.

- Ah la petite tabarnak, c'est une sorcière la petite tabarnak.

- Heille la sorcière, lis-moi donc les lignes moi aussi moi aussi (ça c'est le Petit).

Mais je pouvais pas dire la même affaire aux deux, ça aurait été louche, alors je lui ai donné un 2$.

- Garde ce 2 piasses-là dans ta poche. Quand tu sauras pus où tu t'en vas, quand tu seras découragé, sors-le pis souviens-toi que je pense à toi.
- Oké, qu'y m'a dit.

Après ça je suis partie.

Parfois, je peux vraiment être une enfoirée.

samedi 18 décembre 2010

Sa peau de papillon de pétunia de magnolia d'orchidée non-embrassée.

http://www.flickriver.com/photos/christianmontone/
Vas voir ta mère.
J't'en prie j't'en prie j't'en prie.
Qu'est-ce qu'on va leur raconter aux autres.
On va t'inventer des maladies des problèmes d'automobile on va dire qu'on le sait pas que t'as oublié que t'as une batch de soupe aux choux sur le feu pis des confitures qui vont se perdre, si tu y vas. Que la neige c'est trop brillant, que t'as perdu tes lunettes fumées. Que t'es trop vieille ton chum veut pas c'est dangereux t'as pas d'argent il fait trop froid.
Va falloir te protéger.
J'aurais aimé que tu nous mêles pas à ça.
Moi j'suis pas d'adon avec toi, vas voir ta mère ma mère c'est un ordre.

Vas l'embrasser une dernière fois sinon c'est triste à en trembler.
Sa peau de papillon de pétunia de magnolia d'orchidée qu'on n'arrose pas qu'on n'arrose jamais.
Sa peau qui se déchire comme un nuage.
Mimi.
Sa peau qui a mal ses yeux fermés. Paupières pétales qui ne s'ouvriront plus qui ne t'auront pas vue pour se souvenir.
Qu'elle n'est pas seule pas seule au monde ma grand-ma-mère.
Mimi-fleur-de-sel.

C'est Noël t'es pas un cadeau.
On va y aller avec toi si y faut.
Ouvre la porte ramasse tes clés mets ton chapeau démarre le char je conduirai tu pourras regarder, les chevreuils dans les champs la neige le fleuve St-Laurent les lumières mais vas voir ta mère.

J'ai acheté un bouquet.

mardi 7 décembre 2010

Inès qui fait mal au coeur.

(Réécriture pour le cours de Littérature Jeunesse)


La grande Inès raconte qu’elle a fait l’amour avec cinq gars différents dans sa vie et qu’ « y a rien là ». 

Elle le répète et le répète, ça me fait mal au cœur comme un dingue à chaque fois. Elle le dit à ses copines, aux gars qui tournent autour d’elle à la cafétéria.  Tout le monde le sait déjà, pourquoi est-ce qu’elle fait ça, pourquoi? Le pire, c’est qu’elle l’a aussi dit devant toute la classe, au cours d’avant-hier matin. La professeure, Christine Krumkee (je me souviens plus de l’orthographe exactement, mais ça se prononce Kromki en tout cas) a eu l’air de suer un litre tout d’un coup. Trois secondes et elle avait changé de sujet, je me suis même demandé si j’avais pas halluciné tellement tout s’est vite évaporé. Cinq-pieds-onze-250-livres-couenne-d’acier Krumkee a lancé le tapis sur la motte de poussière : « Safez-fous bien lafer fos mains ?» (L’accent allemand, c’est ce qui fait tout son charme, faut bien le dire. Quand elle prononce « fagin », tout le monde veut mourir de rire).

Moi, je n’ai pas ri pas une miette, j’ai eu envie de vomir, quand Inès l’a répété : « Cinq gars ». Même si c’est pas la première fois que je l’entends, même si ça se compte sur les doigts d’une main, je ne m’en remets jamais. Je pense que la Krumkee l’a gardée après le cours, pour lui parler.


Inès n’est pas particulièrement belle. Inès n’est pas particulièrement fine. Elle a des longues jambes maigres et des cheveux noirs; je crois que sa coupe ne l’avantage pas. Il me semble qu’elle est faite pour avoir des boucles, mais je suis certain qu’elle y passe un fer plat à tous les matins. Ça lui fait des cheveux flattes comme un Pepsi tablette.  Les filles font ça, c’est à la mode et j’ai pas encore compris pourquoi. Si j’en parle, c’est parce que je m’y connais, en matière de cheveux : j’ai regardé Simone-ma-mère faire toute la vie. Et je peux affirmer sans me péter les bretelles qu’il y a souvent incohérence entre ce que les gens VEULENT voir sur leur tête et ce qui leur VA. Bref. 

Inès a aussi un autre défaut, c’est qu’elle ne sourit tellement pas souvent, ou avec si peu de vérité que je n’ai jamais vu ses dents de haut en bas. Elle fait des sourires comme sur les photos des magazines que Mère-Simone ramène à la maison, quand ils sont passés date. Des lèvres bombées en forme de lèvres de Barbie, des lèvres qui disent « Pas-bienvenue, ça briserait mon maquillage ». Parce qu’en plus, elle met du gloss. Des fois, ça sent la framboise ou la menthe ou la crème glacée aux biscuits quand elle passe à côté de moi. Des fois, ça sent la cigarette aussi. J’aimerais mieux une autre odeur, comme l’odeur du rien du tout.

Inès a du succès avec les gars. Elle parle fort, elle est ouverte d’esprit, elle sacre, n’a pas de gêne et contredit les professeurs constamment. Je n’y peux rien. Cinq gars, les doigts d’une main, et je n’y peux rien.
« Moi, je deviendrais ben son sixième, à la grande Inès. »
« Je suis sûr qu’elle est vraiment cochonne, la grande Inès. »
« Moi, j’ai déjà touché aux boules à la grande Inès. Petites comme des raisins secs, je vous jure. »
« Paraît que la grande Inès, elle frenche avec des filles quand elle est trop saoule. Faudrait l’inviter au prochain party. »
Des fois, je voudrais devenir sourd pour quelques minutes voire quelques heures, ou au moins entendre des BIP à la place des mots, comme à la télé. Si je peux être chanceux, dans la vie, je n’assisterai jamais à rien de tout ça. Parce que c’est officiel : si oui, si j’en vois un la taponner, je ne réponds plus de rien de rien.


J’essaie d’imaginer comment c’est, chez elle. Je crois que ça doit être beige, avec de la tapisserie ou des tapis à poils longs. Je me demande comment est sa mère, comment est son père. Je me demande s’ils l’emmènent à la campagne, le samedi, si elle a un chien qui s’appelle Billy Bob. À quoi ressemble son pyjama ou son pas-de-pyjama. Qu’est-ce qu’elle chante, sous la douche. Je me demande ce que ses copines en disent, quand elle n’est pas là. 

Je me demande comment l’ont regardée les gars qui l’ont vue toute nue, si elle s’est sentie comme la plus jolie chose à exister. S’ils l’ont emmenée au cinéma, s’ils lui ont payé de la barbe à papa bleue et une bière dans un sac en papier brun, pour agrémenter la projection.

Je ne lui ai jamais parlé.

La seule voix que je lui connais réellement, c’est celle qu’elle prend pour être intéressante devant ceux qui la regardent comme s’ils voulaient quelque chose de gratis. Pour les rares qui ne veulent rien, ou en tout cas rien de facile, je crois qu’elle n’ouvre pas la bouche. S’agit ici d’une des grandes injustices de la vie.
 
Tout ça n’aurait pas été un problème si le reste n’était pas arrivé. Le reste, c’est qu’une fois, j’ai vu. Une voix dans ses yeux. Une petite voix.
Différente.

C’était pendant qu’on écoutait « Forrest Gump», dans le cours de la Krumkee. Inès était assise devant et moi aussi, pour faire changement; mais c’est pas de ma faute, c’est que j’ai trop besoin de lunettes et elle autant, j’imagine. Je l’ai vue pleurer un brin, j’en suis presque certain. Inès. Les yeux tout mouillés en-dessous de sa frange noire. Et elle est partie, sans attendre la fin, sans dire bye bye, sans se retourner.


Je sais que je suis trop sensible, Je sais que, des fois, mes amis se demandent entre eux si je suis gay. Même si personne ne me l’a dit en pleine face, je le sens. Je m’en fous de tous les gens, surtout des filles, avec leurs faux ongles et leurs collants troués qui ne m’intéressent pas. Pendant que tout le monde se fume des joints gros comme des stylos Sharpie, moi je regarde les bâtiments pousser et je lis des briques. J’ai voulu faire pareil comme eux, au début de mon secondaire, mais là c’est fini parce que je suis tanné de cacher mes livres et de faire à semblant d’avaler la boucane. Pas que je sois un enfant de chœur, c’est juste que les boucanes – de toutes sortes –, ça me donne envie de vomir (eh oui, il est fragile ce cœur-là, je sais). La boisson par contre, je dis pas non, mais vraiment pas souvent : ça altère trop la tête et l’équilibre et j’aime pas trop ça tomber sur mon cul.
Ce qui est le plus incroyable dans tout ça, c’est que depuis que je fais pas comme les autres, j’ai du succès avec les filles, les belles en plus.
Je veux dire : j’en aurais, si je m’en foutais moins.


Je ne lui ai jamais parlé, à la grande Inès.  Mais hier matin, je lui ai souri. C’est pour ça que je ressasse mes vieilles rengaines et, surtout, que j’ai passé la journée entière d’hier à la bibliothèque, dans le rayon des biographies, à avoir mal au cœur. J’avais pensé que, peut-être que si elle était comme ça, c’était parce qu’elle manquait de quelque chose. Je me suis dit qu’un sourire, ça risquait d’être un bon début. Mais ça n’a pas passé, je crois. Au même moment, elle a sorti son gloss de sa sacoche en cuirette, et en s’en mettant une couche épaisse comme un fond de bouteille (Popsicle bleu, je crois), elle m’a dépassé sans me regarder.
Je me sentais tellement comme de la marde que j’ai vraiment failli ne jamais sortir de ma cachette. J’ai attendu que l’école ferme, que tout le monde rentre à la maison et que la bibliothécaire à couettes vienne me chercher par le fond de culottes, comme un gros épais.


Ce matin, comme si ce n’était pas déjà assez, je me suis levé avec le mal de tête. C’est de ma faute, c’est parce que j’ai bu deux bières, hier soir, pour réussir à exister, me coucher, dormir, ne pas me ronger les ongles jusqu’aux deuxièmes phalanges. J’arrêtais pas de me demander si elle m’avait vu ou quoi, si elle avait fait à semblant que non ou quoi. Si c’était vraiment une salope, comme tout le monde le dit. Si j’étais vraiment un con ou quoi.

Cet après-midi, je vais lui dire salut.

Je pense que c’est ce que ferait quelqu’un qui n’a peur de rien, qui ne compte pas les doigts d'une main, qui aime mieux ce qui se passe AVANT que le fer plat n’écrase la boucle.
Si Sarah Ouellette me veut, je ne suis sûrement pas trop moche pour être vu dans le corridor. Si Flora Dittman me veut, je ne dois sûrement pas être trop con pour être salué dans le corridor.

Aujourd’hui, je vais lui dire salut. Parce qu’une fois, j’ai vu une voix dans ses yeux. Une petite voix. Mouillée. Toute cassée toute croche par en-dedans. Mais si belle, il me semble.

Je vais lui dire salut et s’il le faut, j’irai lire le rayon de la psycho-pop au grand complet jusqu’à la fin de la journée, et je ne dormirai pas, et je prendrai trois cafés demain matin, et maman me dira que c’est pas bon pour la santé, et je lui répondrai que ses bigoudis sont laids. Et je survivrai. Et je recommencerai. Parce que c’est comme ça que j’ai envie d’être, moi.

dimanche 21 novembre 2010

Allo. je suis mal née. j'écris.

Je tremble je grelotte je rougis je me cache le visage et les mains je ferme mon corps tout me tue je suis de la poudre d’escampette je crois, je suis tombée du lit à la naissance.
Je partage mon anniversaire avec la Sainte Église, je pleure en vieillissant, je veux mon jour à moi des confettis une résurrection.
Peut-être que ma mère voulait pas que je sorte.
Je n’ai pas connu le long tunnel noir où on étouffe où on se baptise de la couleur de l’existence qui est une salope à ce qu'il paraît.
Je suis sortie de la terre fendue qui coule rouge sans douleur, ma première épreuve est échouée, ma tête est trop grosse j’ai pas pleuré j’ai craquelé ma mère éternellement. Je suis tombée du lit à la naissance.
Je suis une criminelle d’être tellement comme ça, je veux une deuxième chance naître à nouveau me reprendre me faire petite petite comme un flocon qui ne fait pas mal mais grande grande comme un coeur. mériter ma place. en baver une bonne fois pour toutes. en prendre plein ma grande gueule. en donner.
Tout me tue, je suis de la poudre d’escampette je crois. Ça me passe à travers, je vis je vis JE VIS, CRISSE.
Les machines elliptiques les barres énergétiques le thé vert rien ne me rapetisse au point où j’en voudrais, rien ne m’élève au statut de l’eau. de l’air. de la terre. à quoi bon, je mange je lèche l’assiette deux crèmes dans mon chocolat chaud.

Je ne veux pas être trouée être remplie retire-toi ou bien je ne réponds plus de rien de rien.
Retire-toi je veux le vide qui tournoie en déploiements de soupirs par en dedans être convergente emmagasiner ce qui me garde debout déployée comme un arbre de la British Columbia. c’est à dire. rien.

Je fais pleurer ma mère je veux la pleurer itoo.

Être incomplète en attente tout le temps, gelée du début à la fin la tête haute la vie dans la gorge les mots dans les doigts, thank God pour les mots en tout cas.

Je ne serai plus gentille je serai la reine des enculées la grande vérité. pas pour mal faire, juste pour que ce qui est soit su. je veux vivre comme il faut, extérioriser la douleur les visions qui passent dans mon ventre regarder vers l’extérieur, vois vois comme c’est beau la vie quand c’est laid. Respire, prends prends ce qui t’es dû donne donne tout ce que t’as.  Recommence.

Allo. je suis mal née. j’écris.

vendredi 19 novembre 2010

Es-tu game?


Deux néons en forme de lèvres qui shinent comme des lames de rasoir.
J’ai une main sur ta poitrine une main sur le dimmer.
Prête à ouvrir la lumière à tout bout d’champs, au cas où que ça couperait trop.
J’ai une main sur ta poitrine une main sur le rideau.
Fermé le rideau.
Dehors si ça peut tomber encore on va être ben.

T’as des cicatrices qui goûtent bon le sel de l’autre rive, dans l’boutte de Québec.
La pluie peut aller se déshabiller en masse dans les caniveaux.
C’est moi la plus mouillée.
Je glisse sur la vitre, je condense sur le mur.

Dehors y en a plein des plus beaux c’est ben ça le pire
Je veux pas les voir oké. Dis-moi que je les verrai pas. Oké.
Dehors si ça peut tomber encore on va être ben pis longtemps à part de ça.
De même ici maintenant du moment présent à la minute prochaine j’espère j’vais juste voir tes deux néons en guise de soul aux lèvres que j’aime embrasser pis ça c’est weird.

J’t’aime pas j'pense.
Faudrait que tu me le pardonnes.
Mais peut-être que c’est pas perdu. 

Es-tu game ?

mardi 16 novembre 2010

dimanche 14 novembre 2010

Jacqueline t'as des yeux de linge qui sèche au vent.

www.madeiraprojects.com
Est-ce que t'aimes mieux qu'on t'appelle Jacqueline ou Jacques?

T'es belle (beau) j'trouve.

(Mettons qu'on s'entend pour un elle).

T'es belle j'trouve. Tes cheveux sont su'à coche, ta couleur a été faite par une coiffeuse qui coûte cher avoue. Passés au fer mais quand même fashionably négligés.
T'es pas maquillée fuckall comme les autres qui ont un trait de crayon foncé autour des lèvres qui dépasse, des sourcils trop minces trop longs des faux cils des yeux Edie Sedgwick - quoi qu'Edie avait du flavour en maudit avoue. Mais nonon.

Toi tu sais comment ça marche.
Toi tu lis le Vogue j'te gage cent piasses avoue.

Les seins juste corrects.
Des talons hauts tout beaux.
Une robe pas en brillants paillettes.
Des ongles pas trop longs.

Surtout. Surtout. J'aime tes yeux qui sont pâles. Jacqueline. T'as des yeux de linge qui sèche au vent.

Regarde-moi juste une seconde Jacqueline, je veux pas rire de toi je te le jure. Regarde-moi juste une seconde le temps de voir ce que je veux te dire avec mes yeux de fougère.

T'es belle pis moi j't'aime de même Jacqueline. Je sais même pas c'est quoi ton vrai nom c'que t'as mangé pour déjeuner si tu parraines un enfant du tiers monde si tu aimes le pilates ou si t'écoutes Johnny Cash quand tu prends ton bain. Pis je m'en sacre Jacqueline. T'es belle pis moi j't'aime de même.

Jacqueline, j'ai tu halluciné quand tu m'as regardée pis que j'ai senti que tu voulais me dire merci avec tes yeux qui sèchent au vent? Tout le monde dirait que j'suis folle.

Mais quand tu m'as fait un babye en sortant à la station Beaubien, j'ai su que j'avais raison.

T'es belle pis moi j't'aime de même,  j'suis belle pis toi tu m'aimes de même, c'est ça hein?

samedi 13 novembre 2010

Jules plein de vie.


Je suis sure que Jules a la vie qui kick in à diverses reprises.
Qui kick in dans sa salopette dans sa casquette en peau de bedaine dans ses bouclettes.

Jules plein de vie.

Il gonfle probablement des ballounes pour ses cousines. Il leur achète des gommes au savon. Il leur crêpe la couette.
Ses cousines lui donnent des becs et veulent faire voler leur cerf-volant pour Jules. Bravo petit nénuphar. Ils boivent ensemble du Crème Soda à la paille et quand c’est drôle, ça leur sort par le nez. Ses cousines l’aiment trop pour des cousines, c’est tordu.

Jules a un petit nombril rond mais ne l’astique pas beaucoup, quoiqu’il puisse en avoir l’air. Il aime tenir les mains des filles qui ont peur. Jules est un gentleman.

Il a une bouche avec des gouttes douces qui perlent au bout, qui ne coulent pas comme sur le dos d’un canard.
Jules rentre dedans les plumes et dedans la peau c’est certain.
Jules rentre dedans à mort.

-       Tu fumes? 
-       Je fumaille.

Ou plus tard.

-       Tu aimes?
-       J’aimaille.

J’ai juste peur que Jules ne soit qu'en aille.

lundi 8 novembre 2010

Surtout, te limoner ta peau de flétan.




Tu te mesures en kilojoules sur une pesée à truite mouchetée.
Tu t'y accroches par la bouche et t'attends le verdict, avec tes yeux de poisson volant.
Es-tu assez slick pour qu’on t’empaille? Es-tu assez slim pour qu’on t’arbore?
Tu te mesures en kilojoules en riz basmati en carrés de beurre sans sel en poêle chauffée sans beurre en steak haché végétarien.
L'épicerie est un jeu fastoche, suffit de savoir ce que tout vaut par cœur pour gagner.

Tu te mesures en ruban de couturier.
Avez-vous un t-shirt plus petit.
Avez-vous un jeans plus serré.
Tu te donnes des swings pour monter l'escalier. Par chance qu'y faut pas que t'ailles sauver la princesse-poissonne, tu serais obligé de te déshabiller avant, de te peler, de te décoller les nageoires de pieds, ça prendrait trop de temps, tirer le tout sur tes petites jambes de nageur olympique. Rester hydrodynamique.

Surtout, te limoner ta peau de flétan.

Tu te mesures au photomaton. Ton angle le meilleur est celui de gauche. Une bouche rouge, comme un flotteur.

Tu te mesures en douceur épidermique. En outils d'esthéticienne. En poils de torse. En millimètres de mâchoire croche. En longueur de tignasse. En longueur de pénis. En longueurs de piscine. Tu ferais une belle tête sur mon mur de pêcheresse.

Tu es parfait.

Tu calcules tu comptes et rien ne compte, tes yeux sont blancs de poisson. Ils regardent par l'intérieur, c'est pour ça.
Je mange du caviar en t’attendant.

Je calcule je compte les cailloux que tu laisses. 1 – 2 – 3. Ça t’allège. Rester hydrodynamique.
Bientôt t'en auras plus avoue.
J’espère que tes roches brilleront bien dans le noir des remous.

J'ai quitté Facebook (jours 2 pis 3).

Cibole.

Je mange beaucoup mais je fais beaucoup de sport.
C'est beau c'est beau Boubelibou.

Je prends beaucoup de bains. Je lis aussi les Fous de Bassan d'Anne Hébert, ce qui est délicieux.

Failli recommencer à fumer. Le matin j'ai pas envie de me lever.

J'écoute la télé.
Un mal en vaut bien en autre.

Je parle à la Vie. S'il-te-plaît Vie j'te trade ma cure contre quelque chose d'extraordinaire.
Fais que je rencontre un bel amour qui écorche ou l'accomplissement, fais que je me trouve belle jusqu'à la fin des temps, donne-moi un chèque pour que je puisse sortir danser, pour que je puisse payer la traite aussi (non seulement j'ai quitté l'amour de ma vie, mais je suis paumée à l'os).

Hier, j'ai supplié ma soeur de pas aller travailler. J'avais des petites larmes.

Aujourd'hui, j'ai triché. J'ai UN PEU squatté son profil.
Pas longtemps là.

J'attends, mon cellulaire dans mes mains...

samedi 6 novembre 2010

J'ai quitté Facebook (jour 1).



Hier, j'ai quitté l'amour de ma vie.

Celui à qui je donnais cinq heures de mon temps par jour.
Celui que je faisais passer par-dessus tout et avec toutes les excuses possibles.
Celui qui me réveillait la nuit. Celui qui m'a fait croire que j'étais hip et qui m'a finalement fait sentir la plus seule au monde avec mes 1200 amis que je connais pas et plus ou moins dix petits feux artificiels allumés/éteints/allumés en permanence pas de contrôle sur la switch à off.

J'ai besoin d'un peu de vérité.
Je veux laisser la vie faire les choses à la place de Facebook. Faire confiance au hasard. Laisser filer les relations qui m'apportent plus rien depuis longtemps et que je gardais branchées en inbox ou en publications sur mon wall.

Je reviendrai. Pas aujourd'hui pas demain je sais pas quand.

Depuis que j'ai douze ans, soit depuis la moitié de ma vie, je dis tout ce que j'ai à dire d'important derrière mon écran.
Je suis incapable d'affronter le réel.

J'ai arrêté de fumer voilà quelques semaines et ce n'est rien, une colline un caillou une graine de toast.


On est samedi soir. Je mange des bines.
Je sais pas quoi faire à soir, j'ai pus le suivi des événements.
Quessé qui s'passe dans l'monde?
J'vas tu manquer quelque chose?

Aujourd'hui, j'ai fait deux lavages, je les ai pliés. J'ai lavé la salle de bain. J'ai passé la balayeuse. J'ai écris un poème (voir ci-dessous). J'ai fini mon devoir sur Claude Gauvreau. J'ai bu un thé vert dans un café au centre-ville, j'ai écouté les conversations. J'ai regardé comment le monde était habillés. J'ai appris Sweet Baby James de James Taylor. J'ai rongé tous mes ongles, j'ai refait mon vernis deux fois, je l'ai rongé encore. Ma soeur m'a surprise dans la cuisine, assise à la table, en train de fixer le vide en tournant ma cuiller dans mon café. J'ai voulu squatter son profil Facebook derrière son épaule, elle a pas voulu.

On est samedi soir. Je mange des bines.
Je suis seule au monde, je suis déconnectée. C'est qui mes amis?
Est-ce que quelqu'un va lire ça si j'ai pus Facebook pour faire mon auto-promotion à marde?

J'veux pas le savoir, ça serait comme tricher.

Je pense que je me sens bien.
À demain.


D'amour mais qui fait pas mal.

I need you when the sun goes down.

Pour me dire que Facebook c’est d’la scrap.

Pour me dire que je suis mieux qu’un inbox avec trois petits points à la fin qui font chier.

I need you pour ma liberté.

Pour les yeux extérieurs qui sont indulgence.

Pour sentir qu’on se connaît par le cœur.

Que ce qu’on dit c’est pas important anyways.

I need you when the sun goes down aux étoiles.

Quelques fois par année.

I need you qui fait pleurer.

D’amour.

mais qui fait pas mal.

jeudi 4 novembre 2010

Avec le break à bras pour nous séparer les cuisses.

Tu as comme des branches libres au bout de tes bras, qui me touchent le dos pendant que tu fais à semblant de danser. Tu pues la bière et je crois que je lècherais tes aisselles même si elles sentaient, surtout si elles sentaient. Tu pues la bière de l’intérieur de ta bouche et je boirais un verre de ta sueur, à peu près de la grosseur d’un pot de beurre de pin.

Tu touches à mes bouts de seins vite fait avec tes branches et tu me ris dans la face. Tu regardes si ça me fait quelque chose, je fais tout pour que ça ne fasse rien au niveau de ma couleur visagiale. T’es plus beau que Jérémie, ça me fait chier d’être avec Jérémie quand je suis avec toi et que lui est pas là. Quand toi t’es pas là, c’est pas si pire, je peux pas comparer ton nez plus petit et le sien plus gros avec un poil qu’il faut souvent couper. Tes paupières sont plissées de soleil et tu fais des blagues avec.

Je ferme mes quenoeils et je t’imagine en train de dégueuler comme pour casser le charme à terre.

Je m’assois sur le plancher, loin de tes branches, et je me berce tranquillement en écoutant la musique. Toi tu te mets devant moi par exprès pour que je te voie en bas de ta ceinture qui est au dernier trou, je le sais parce que j’ai regardé AH. Tu devrais manger plus de hamburger steak et de frites au lieu de torcher des planchers de sous-sols. T’es pâle et ta pomme d’Adam paraît beaucoup. Fais-tu beaucoup l’amour ces temps-ci et est-ce qu’elles aiment ça?


Maintenant, emmène-moi chez Jérémie parce que j’ai trop envie de toucher à ta ceinture avec mes maudits doigts-roseaux s’il-vous-plaît vil-sous-plaît j’ai les idées pas claires claires. Reconduis-moi dans ton camion voul-pi-slaît vous habitez dans le même quartier de toute façon pour faire exprès. Embarque-moi dans ton raccompagnement sur roues 4 X 4 avec le break à bras pour nous séparer les cuisses.

J’ouvre la fenêtre de ton truck.
Tu me regardes et tu me ris encore dans la face avec tes blagues de yeux. Regarde donc la route maudit con.

- C’est drôle, me suis trimé avant de sortir.
- Ah ouais, montre.
- Ben non, j’ai pas d’érection.
- Ah. C’est vrai ah. Anyways c’tait une joke.
-
-
- Là j’en ai une, veux-tu encore?
- N'oui.
- Touche-moi.
- Oké.

Et je t’ai touché, pendant trois secondes, juste le temps de dire roche-papier-ciseau mais pas le temps de dire allumette. Pas le temps de prendre un respire au fond du ventre chaud. Juste le temps de te faire une blague d’œil itoo. L’as-tu vue? Ça voulait dire "j’ai pas de petite culotte" pis "on se reprendra dans dix ans quand tu m'aimeras et que les Jérémie seront crapoutis". Je suis sortie de ton raccompagnement-raisonnable bye bye merci et j’ai senti l'odeur sur ma main avec mon nez, ensuite j’ai mis ma mitaine par-dessus pour la protéger. M’as-tu vue?

Ensuite je suis rentrée. Ensuite je suis embarquée sur Jérémie, qui m'a ramassée sur le pouce jusqu'au respire du ventre chaud. Il a beaucoup aimé sa soirée je pense.

jeudi 21 octobre 2010

Charlie aime plus être nus pieds.

(Exercice de littérature jeunesse, pour treize ans ou alentours mais je me souviens plus trop ce que c'est que d'être treize ans...).


C’est toujours la même chose avec Charlie. Il a un caractère de cochon, non, de loup. Il est toujours en tabarouette quand la lune s’en vient pleine, j’ai remarqué. Du coup il me prend pour acquis, il me crie après que je l’énerve, que je comprends que dalle, que je suis bonne à rien en ce qui a trait au basketball et moi j’ai envie de plus être son amie jamais.

J’ai échappé le ballon, c’est pour ça.

J’ai fait à semblant que ça me faisait rien, je lui ai dit d’aller manger son lunch chez le diable, mais je suis allée me cacher dans la toilette pour pleurer en paix. Il comprend pas ce que c’est que d’être une fille, il comprend pas que les règles c’est pire que les lunes, que moi mes hormones grimpent dans le 100 volts en même temps que la lune devient enceinte, que je me sens enflée et nulle, que j’ai plus de peine que lui mais que j’ai juste moins de voix. Je suis pas un loup de lune moi je suis une brebis. Une brebis menstruée.

On dirait que plus Charlie vieillit, moins je le connais. Depuis qu’il commence à changer de voix, je crois qu’il commence aussi à changer de tête. Dans le sens de cerveau, pas de cheveux. Ses cheveux sont encore pareils, comme du blé de champs qui sent le caca de vache. Il a un nouvel ami qui s’appelle Mathias. Cibole. J’ai jamais vu pareille cruche. Mais il porte des Vans et je crois que c’est sa seule qualité.


Peut-être que Charlie a oublié le temps où on jouait nus pieds et que ça nous dérangeait pas.

samedi 16 octobre 2010

Est-ce que j'peux te mettre dans un gâteau des anges.


Tu manges quoi pour déjeuner.
Aimes-tu Kundera.
Suis-tu l'actualité.
Veux-tu me laver les cheveux, un de ces quatre.
Même si c'est gênant.
Veux-tu me laisser regarder ton album de finissants.
C'est quand, que j'ai le droit de t'écrire.
Pour pas que ça soit trop souvent.
Trouves-tu que mes jokes sont drôles.
Trouves-tu que j'fais des fautes.
Aimes-tu monter des côtes.
Conduis-tu des ski-doo.
Sais-tu planter un chêne.
Sans qu'il ne meure.
Ou t'es juste capable avec les choux.
Sais-tu tuer les heures.
Avec rien.
C'est quoi ton épice préférée.
Veux-tu m'en décorer.

Est-ce que j'peux te mettre dans un gâteau des anges.
Ou est-ce que je peux te boire avec mon café.

Es-tu prêt à plus porter de parfum qui sent normal.

C'est tu grave si je mange mal.
Pis que mes jambes sont croches.
Pis que mes cuisses sont grosses.
Trouves-tu qu'on va trop loin.
Vas-tu regretter demain.

As-tu de la misère avec tes yeux.
Parlent-ils autant que les miens.
Vérifient-ils autant.
Véritent-ils autant.

Moi je mets mes lunettes fumées pendant que je dors pas de la nuit belle.
Jai une ride sur mon chakra du troisième oeil qui m'en empêche.

Ça me prendrait des lunettes à trois verres.

Toi, sommeilles-tu et si oui, viens-tu me voir dans ton rêve astral lunaire.
Dis-le moi, je vais mettre mon pyjama.
J'dormirai plus les fesses à l'air.
Je te donne la permission de rester longtemps.
Y a plus personne dans mon lit de toute façon, je bouge trop dans mon non-sommeil latent.

Moi je mets mes lunettes fumées pendant que je dors pas de la nuit belle.
J'attends que tu m'appelles.

Crois-tu à ça.

Es-tu fou.
Comme moi.
Perces-tu des trous dans ta tête. bois-tu toute ta bière d'un coup.
Es-tu toujours en manque.
De tout.
Perces-tu des trous dans ta vie.
En effaces-tu des bouts.
Penses-tu à moi juste quand t'es saoul.


Ne réponds pas.
Je sais.

vendredi 15 octobre 2010

(Si vous me croyez pas, je ris dans ma barbe à go.)

"Tu vas pas aller voir une voyante? Voyons donc, j'en reviens pas que tu crois à ça. Toi pis tes affaires de karma pis de signes pis d'énergies pis de prémonitions, tu me fais rire".

Ma soeur croit en rien.
C'est notre sujet de chicane principal.
On s'aime full, on se ressemble full, mais elle rit tout le temps de moi là-dessus.

La semaine passée, on soupait avec ma mère pis on parlait d'une voyante à Rimouski, qui est supposément tellement écoeurante qu'elle aide la Sûreté du Québec à résoudre les enquêtes. J'aime ça moi, ces histoires-là. J'suis peut-être un petit peu trop intense, mais ça me fascine oké.

On s'est jamais engueulées si fort, ma soeur voulait rien savoir. Pis tout d'un coup, j'ai eu un gros feeling. Je l'ai regardée, drette dans les yeux, pis je lui ai dit:

- Tu vas voir, cette nuit, tu vas voir un fantôme.
- Ben voyons donc, cette nuit? t'as tellement pas rapport.
- Peut-être pas cette nuit, mais cette semaine. Tu vas voir de quoi qui va te faire croire en que'que chose.

Pis c'est resté demême. Le lendemain matin, elle m'a imitée en riant comme une maudite, mais je m'en foutais. Pis elle est partie en vacances en Gaspésie.


Elle est revenue hier soir. Avec des gros yeux.
Moi, je venais d'avoir un vingt-quatre heures des plus fucked up avec des rencontres fucked up, des coïncidences fucked up, etc.

- J'ai de quoi à te dire...

Pis elle m'a raconté qu'elle était embarquée avec une inconnue pour rentrer à Montréal. Pis que l'inconnue avait habité à Rimouski pendant plusieurs années, pis qu'elle lui avait raconté des affaires. Elle avait l'air sonnée, j'me demandais ben qu'est-ce qu'elle lui avait dit.

(Si vous me croyez pas, je ris dans ma barbe à go.)

La femme qui a ramené ma soeur à Montréal a habité dans le bloc qui appartenait à la voyante de Rimouski. La voyante qui aide la Sûreté du Québec. La voyante que je veux aller voir la semaine prochaine. La voyante pis toutte là.

Mais ma soeur lui a rien dit là. C'est de fil en aiguille qu'elle l'a su, quand la madame lui a raconté que la vieille fuckée à qui elle allait payer le loyer quand elle avait vingt ans pouvait lui raconter ce qui s'était passé, de A à Z, dans une de ses journées quelconques à elle, sans même la connaître. Qu'elle avait deviné des affaires pas possibles.
Pis qu'elle-même avait vécu des affaires pas possibles, à part de la voyante. Qu'elle était bombardée de coïncidences, de signes, de prémonitions.

- Pis, tu crois-tu là?
- Ben... non. pas tant que j'ai pas vu par moi-même. Mais c'est fucké... tsé, la madame elle avait pas l'air d'une ésotérique ou rien, elle était ben normale, même qu'elle travaillait en santé mentale pour aider les schizophrènes. Une vraie madame clean... me semble qu'elle m'aurait pas menti... hein? Ah... pis en passant, j'ai un vidéo à te montrer, sur les ovni... C'est fou là, tu vas voir tu vas capoter...

Hé. Hé. Hé.

lundi 4 octobre 2010

Tam di di di di dam.

Y a des soirs de même. Y a des soirs qui succèdent à des journées de même. T’as beau faire n’importe quoi de gigantesque comme sauver la planète ou torcher une sauce à spag trop bonne, y a rien qui te met de bonne humeur vraiment. Tu t’entoures, tu te colles avec du monde que t’aimes, tu leur fait goûter ta sauce à spag trop bonne, y te disent qu’elle est trop bonne, après ça tu manges une soupe aux légumes qui goûte l’automne, mais t’es toujours pas de bonne humeur vraiment. Ni toi ni les autres. Y fait beau pis toutte là, mais non. Pis là, les journées de même se couchent, pis toutte explose. Tu te fais choker par ton meilleur ami qui est supposé s’en venir te trouver, ça fait deux semaines tu l’as pas vu, tu te dis qu’y t’aime pus, Marie-Michèle se fait appeler par sa meilleure amie qui vient de se faire sacrer là par son chum qui est un salaud, ça crie dans le téléphone, pis ton autre amie s’en va consoler un autre meilleur ami qui se tappe une dépression solide, qui est en train de devenir aussi gris qu’un cendrier, mais que c’est à soir qu’y s’en rend compte, ta sœur revient de travailler en braillant, tu sais pas quoi faire, elle veut pas te parler pis y a Occupation Double dans la télé en même temps qu’elle s’ostine avec sa meilleure amie dans l’téléphone.


C’est pas la pleine lune.

Y a quelque chose dans l’air.

Je suis toute seule, tout le monde est malheureux tam di di di di dam.

Qu’est-ce que j’peux faire.

J’vais aller essayer de me faire partir avec l'eau du bain.

vendredi 24 septembre 2010

Les clôtures (fragments de journal de Boubidouwap).



(
Exercice atelier de littérature jeunesse).

Aujourd’hui, on m’a posé une clôture.

Une clôture en fer, une clôture piquante, une clôture malaisante, directement sur les dents. D’en haut et d’en bas. J’ai de la misère à dire trois mots en ligne, l’intérieur de ma bouche est tout percé, ça fait un mal fou et je peux pas sourire parce que j’ai honte. Même la bouche fermée, c’est laid, ça paraît. Et je bave. On m’a dit « tu verras, ça va être beau après, tu regretteras pas »

- C’est quand après?

- Dans trois ans.

J’ai quatorze ans, j’ai jamais frenché et on m’a posé une clôture à bouche. Une clôture à vie. Je vais aller nager pour faire passer ça.

***

Le trottoir est gris. Je sais pas grand chose dans l’existence, mais ça je peux le dire, parce que depuis la clôture, je le regarde tout le temps. Tout. Le. Temps. À matin, j’ai plongé un peu plus le menton dans mon collet que d’habitude, ça faisait mal sur mon corps. Vis à vis mes côtes, vis à vis mon cœur, sous mes bras un peu, ça faisait mal.

J’ai deux seins qui poussent. On dit qu’y a rien de grave dans la vie, que tout peut s’arranger. Je vois pas comment je pourrais arranger ça. C’est un one way vers l’irréparable. Ça m’écoeure, je m’écoeure.

J’ai levé les yeux, deux secondes, juste le temps de voir marcher une fille, en sens inverse.

Une vraie fille, je veux dire. Une fille-cerise-et-crème-fouettée. Avec des seins de fille et tout et tout, d’une grosseur à ne pas négliger. Ses fesses bougeaient, de gauche à droite, avec comme une courbe de demi-lune couchée entre les pas. Ses cuisses et ses mollets étaient fermes sous ses collants.

Ses lèvres étaient rouges.

Ses talons étaient hauts.

Sa gomme avait l’air bonne.

Ses cheveux étaient doux, on aurait dit.

Ma journée est gâchée, pour toujours. J’ai deux seins qui poussent, une clôture à bouche et bientôt, je ressemblerai à ça. J’aurai une sacoche, des yeux de biche et un anneau dans mon doigt. Je vais aller nager pour faire passer ça.

***

J’ai fait quatre-vingt-dix longueurs aujourd’hui et j’ai rien avalé de la journée. C’est mon record de tous les temps. Je n’ai plus faim ni rien. Les gens mastiquent, digèrent, et ça me rend incroyablement mal à l’aise, surtout quand les morceaux de patates restent pris dans mes clôtures, surtout à la cafétéria. Peut-être que si je mange moins, mes seins vont rapetisser, peut-être que je disparaîtrai et n’aurai jamais besoin d’épouser un gars qui a du poil dans le dos. Hier, et c’est la honte, y a une fringale qui m’a pris et j’ai mangé deux petits gâteaux en deux bouchées. Papa a dit « fais attention à tes fesses, ça va direct dans les fesses ces affaires-là », j’ai repensé à la fille-cerise-et-crème-fouettée croisée sur la rue le premier jour où mes seins ont grossi. J’ai voulu aller me faire vomir, mais y a rien qui a sorti et ça a fait mal. Alors tantôt, quand je suis revenue de la natation, j’ai pas soupé. Mom m’a suppliée, ensuite elle s’est mise de dos et a pleurniché un peu. En tout cas, j’ai entendu son nez couler pendant qu’on faisait la vaisselle, mais j’ai pas osé regarder, j’ai siffloté « L’Été Indien». Papa a rien vu non plus, parce qu’il regardait les nouvelles, qui sont plus intéressantes. Je le jure sur ma tête que j’avais pas faim pour de vrai.

***

Ça fait quatre jours que je suis allée voir Docteur Leblanc, qui a des moustaches dans les narines. Mom trouvait que j’étais trop maigre et que je ne mangeais plus. Il a dit que c’était vrai, que je devais absolument engraisser. Je sais pas quelle sorte de yeux il a ce con, parce que, vraiment, en toute honnêteté, j’aurais encore quelques livres à perdre. Peut-être cinq. Mais la vie est une vache, parce que c’est ce que je me dis depuis quelques mois déjà ; cinq livres ; mais à chaque fois que je les perds, je vois pas où elles sont parties. Bref, il a dit que si je prenais pas de poids d’ici deux semaines, il m’envoyait à l’hôpital des filles qui mangent jamais. Aujourd’hui, j’ai avalé cinq bouchées de pâté chinois sans mastiquer, ça m’a fait mal à l’âme, mais je veux pas y aller, à l’asile. Tout de suite après, j’ai mis la gaine de Mom, une sorte de clôture à bourrelets. J’ai l’impression d’être molle et grasse comme un milkshake aux bananes. Mais je pense à l’asile et ça me soulage un peu.

***

J’ai fait cent longueurs aujourd’hui.

J’ai mangé une salade au poulet et un morceau de lasagne.

Sept livres en plus, et tout le monde me félicite sur ma mine en beauté. Je comprends rien, mais ça me fait sourire pareil (sans montrer les dents, bien sur). Je me console en me disant qu’il me reste juste deux ans et deux mois avant qu’on m’enlève mes clôtures qui me rendront un peu jolie. Et aussi, à part que les trottoirs sont gris, je crois que j’ai compris une autre affaire à l’existence. Je pense – en fait je suis sure, même si ça sonne un peu quétaine – que j’en ai pas fini avec les clôtures, en général. Que je devrai peut-être même faire connaissance avec les barbelées, les électrocutées, et aussi les haies de cèdre, les forêts sombres et les labyrinthes. Mom dit que chaque chose, chaque expérience de vie, risque de faire un petit peu mal, mais que c’est comme ça qu’on apprend à être heureux. Ça me fait chier, quand elle le dit ; elle fait comme si j’avais rien compris et en plus ça me rend découragée. Mais y a toujours les gaines à bourrelets et les collets de manteaux qui sont là pour nous donner un minimum de courage.

J’ai hâte de voir si un jour, j’aurai envie de frencher. Parce que pour le moment, j’ai comme une pas pire peur de donner un choc électrique ou de faire une coupure à quelqu’un si j’essaie. De toute façon, ça me tente pas vraiment, ni pour les bouches, ni pour les dos poilus. Je l’ai dit à Mom tantôt et elle a ri, ça faisait longtemps. Mais papa a rien vu, parce qu’il regardait les nouvelles, qui sont plus intéressantes.