Artist: WinonaCookie |
samedi 25 décembre 2010
C'est Noël c'est pleine lune c'est éclipse c'est solstice.
samedi 18 décembre 2010
Sa peau de papillon de pétunia de magnolia d'orchidée non-embrassée.
Sa peau qui se déchire comme un nuage.
Mimi.
Qu'elle n'est pas seule pas seule au monde ma grand-ma-mère.
Mimi-fleur-de-sel.
J'ai acheté un bouquet.
mardi 7 décembre 2010
Inès qui fait mal au coeur.
dimanche 21 novembre 2010
Allo. je suis mal née. j'écris.
vendredi 19 novembre 2010
Es-tu game?
Dehors si ça peut tomber encore on va être ben pis longtemps à part de ça.
mardi 16 novembre 2010
Veux-tu qu'on joue une game veux-tu qu'on fume une smoke qu'on s'dise plein de secrets.
dimanche 14 novembre 2010
Jacqueline t'as des yeux de linge qui sèche au vent.
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samedi 13 novembre 2010
Jules plein de vie.
Qui kick in dans sa salopette dans sa casquette en peau de bedaine dans ses bouclettes.
Il gonfle probablement des ballounes pour ses cousines. Il leur achète des gommes au savon. Il leur crêpe la couette.
Ses cousines lui donnent des becs et veulent faire voler leur cerf-volant pour Jules. Bravo petit nénuphar. Ils boivent ensemble du Crème Soda à la paille et quand c’est drôle, ça leur sort par le nez. Ses cousines l’aiment trop pour des cousines, c’est tordu.
mardi 9 novembre 2010
lundi 8 novembre 2010
Surtout, te limoner ta peau de flétan.
Tu t'y accroches par la bouche et t'attends le verdict, avec tes yeux de poisson volant.
Tu te mesures en kilojoules en riz basmati en carrés de beurre sans sel en poêle chauffée sans beurre en steak haché végétarien.
L'épicerie est un jeu fastoche, suffit de savoir ce que tout vaut par cœur pour gagner.
Tu te mesures en ruban de couturier.
Avez-vous un t-shirt plus petit.
Avez-vous un jeans plus serré.
Tu te donnes des swings pour monter l'escalier. Par chance qu'y faut pas que t'ailles sauver la princesse-poissonne, tu serais obligé de te déshabiller avant, de te peler, de te décoller les nageoires de pieds, ça prendrait trop de temps, tirer le tout sur tes petites jambes de nageur olympique. Rester hydrodynamique.
Surtout, te limoner ta peau de flétan.
Tu te mesures au photomaton. Ton angle le meilleur est celui de gauche. Une bouche rouge, comme un flotteur.
Tu te mesures en douceur épidermique. En outils d'esthéticienne. En poils de torse. En millimètres de mâchoire croche. En longueur de tignasse. En longueur de pénis. En longueurs de piscine. Tu ferais une belle tête sur mon mur de pêcheresse.
Tu es parfait.
Tu calcules tu comptes et rien ne compte, tes yeux sont blancs de poisson. Ils regardent par l'intérieur, c'est pour ça.
Je mange du caviar en t’attendant.
Bientôt t'en auras plus avoue.
J'ai quitté Facebook (jours 2 pis 3).
Je mange beaucoup mais je fais beaucoup de sport.
C'est beau c'est beau Boubelibou.
Je prends beaucoup de bains. Je lis aussi les Fous de Bassan d'Anne Hébert, ce qui est délicieux.
Failli recommencer à fumer. Le matin j'ai pas envie de me lever.
J'écoute la télé.
Un mal en vaut bien en autre.
Je parle à la Vie. S'il-te-plaît Vie j'te trade ma cure contre quelque chose d'extraordinaire.
Fais que je rencontre un bel amour qui écorche ou l'accomplissement, fais que je me trouve belle jusqu'à la fin des temps, donne-moi un chèque pour que je puisse sortir danser, pour que je puisse payer la traite aussi (non seulement j'ai quitté l'amour de ma vie, mais je suis paumée à l'os).
Hier, j'ai supplié ma soeur de pas aller travailler. J'avais des petites larmes.
Aujourd'hui, j'ai triché. J'ai UN PEU squatté son profil.
Pas longtemps là.
J'attends, mon cellulaire dans mes mains...
samedi 6 novembre 2010
J'ai quitté Facebook (jour 1).
Hier, j'ai quitté l'amour de ma vie.
Celui à qui je donnais cinq heures de mon temps par jour.
Celui que je faisais passer par-dessus tout et avec toutes les excuses possibles.
Celui qui me réveillait la nuit. Celui qui m'a fait croire que j'étais hip et qui m'a finalement fait sentir la plus seule au monde avec mes 1200 amis que je connais pas et plus ou moins dix petits feux artificiels allumés/éteints/allumés en permanence pas de contrôle sur la switch à off.
J'ai besoin d'un peu de vérité.
Je veux laisser la vie faire les choses à la place de Facebook. Faire confiance au hasard. Laisser filer les relations qui m'apportent plus rien depuis longtemps et que je gardais branchées en inbox ou en publications sur mon wall.
Je reviendrai. Pas aujourd'hui pas demain je sais pas quand.
Depuis que j'ai douze ans, soit depuis la moitié de ma vie, je dis tout ce que j'ai à dire d'important derrière mon écran.
Je suis incapable d'affronter le réel.
J'ai arrêté de fumer voilà quelques semaines et ce n'est rien, une colline un caillou une graine de toast.
On est samedi soir. Je mange des bines.
Je sais pas quoi faire à soir, j'ai pus le suivi des événements.
Quessé qui s'passe dans l'monde?
J'vas tu manquer quelque chose?
Aujourd'hui, j'ai fait deux lavages, je les ai pliés. J'ai lavé la salle de bain. J'ai passé la balayeuse. J'ai écris un poème (voir ci-dessous). J'ai fini mon devoir sur Claude Gauvreau. J'ai bu un thé vert dans un café au centre-ville, j'ai écouté les conversations. J'ai regardé comment le monde était habillés. J'ai appris Sweet Baby James de James Taylor. J'ai rongé tous mes ongles, j'ai refait mon vernis deux fois, je l'ai rongé encore. Ma soeur m'a surprise dans la cuisine, assise à la table, en train de fixer le vide en tournant ma cuiller dans mon café. J'ai voulu squatter son profil Facebook derrière son épaule, elle a pas voulu.
On est samedi soir. Je mange des bines.
Je suis seule au monde, je suis déconnectée. C'est qui mes amis?
Est-ce que quelqu'un va lire ça si j'ai pus Facebook pour faire mon auto-promotion à marde?
J'veux pas le savoir, ça serait comme tricher.
Je pense que je me sens bien.
À demain.
D'amour mais qui fait pas mal.
I need you when the sun goes down.
Pour me dire que Facebook c’est d’la scrap.
Pour me dire que je suis mieux qu’un inbox avec trois petits points à la fin qui font chier.
I need you pour ma liberté.
Pour les yeux extérieurs qui sont indulgence.
Pour sentir qu’on se connaît par le cœur.
Que ce qu’on dit c’est pas important anyways.
I need you when the sun goes down aux étoiles.
Quelques fois par année.
I need you qui fait pleurer.
D’amour.
mais qui fait pas mal.
jeudi 4 novembre 2010
Avec le break à bras pour nous séparer les cuisses.
Maintenant, emmène-moi chez Jérémie parce que j’ai trop envie de toucher à ta ceinture avec mes maudits doigts-roseaux s’il-vous-plaît vil-sous-plaît j’ai les idées pas claires claires. Reconduis-moi dans ton camion voul-pi-slaît vous habitez dans le même quartier de toute façon pour faire exprès. Embarque-moi dans ton raccompagnement sur roues 4 X 4 avec le break à bras pour nous séparer les cuisses.
jeudi 21 octobre 2010
Charlie aime plus être nus pieds.
(Exercice de littérature jeunesse, pour treize ans ou alentours mais je me souviens plus trop ce que c'est que d'être treize ans...).
C’est toujours la même chose avec Charlie. Il a un caractère de cochon, non, de loup. Il est toujours en tabarouette quand la lune s’en vient pleine, j’ai remarqué. Du coup il me prend pour acquis, il me crie après que je l’énerve, que je comprends que dalle, que je suis bonne à rien en ce qui a trait au basketball et moi j’ai envie de plus être son amie jamais.
J’ai échappé le ballon, c’est pour ça.
J’ai fait à semblant que ça me faisait rien, je lui ai dit d’aller manger son lunch chez le diable, mais je suis allée me cacher dans la toilette pour pleurer en paix. Il comprend pas ce que c’est que d’être une fille, il comprend pas que les règles c’est pire que les lunes, que moi mes hormones grimpent dans le 100 volts en même temps que la lune devient enceinte, que je me sens enflée et nulle, que j’ai plus de peine que lui mais que j’ai juste moins de voix. Je suis pas un loup de lune moi je suis une brebis. Une brebis menstruée.
On dirait que plus Charlie vieillit, moins je le connais. Depuis qu’il commence à changer de voix, je crois qu’il commence aussi à changer de tête. Dans le sens de cerveau, pas de cheveux. Ses cheveux sont encore pareils, comme du blé de champs qui sent le caca de vache. Il a un nouvel ami qui s’appelle Mathias. Cibole. J’ai jamais vu pareille cruche. Mais il porte des Vans et je crois que c’est sa seule qualité.
Peut-être que Charlie a oublié le temps où on jouait nus pieds et que ça nous dérangeait pas.
samedi 16 octobre 2010
Est-ce que j'peux te mettre dans un gâteau des anges.
vendredi 15 octobre 2010
(Si vous me croyez pas, je ris dans ma barbe à go.)
Ma soeur croit en rien.
C'est notre sujet de chicane principal.
On s'aime full, on se ressemble full, mais elle rit tout le temps de moi là-dessus.
La semaine passée, on soupait avec ma mère pis on parlait d'une voyante à Rimouski, qui est supposément tellement écoeurante qu'elle aide la Sûreté du Québec à résoudre les enquêtes. J'aime ça moi, ces histoires-là. J'suis peut-être un petit peu trop intense, mais ça me fascine oké.
On s'est jamais engueulées si fort, ma soeur voulait rien savoir. Pis tout d'un coup, j'ai eu un gros feeling. Je l'ai regardée, drette dans les yeux, pis je lui ai dit:
- Tu vas voir, cette nuit, tu vas voir un fantôme.
- Ben voyons donc, cette nuit? t'as tellement pas rapport.
- Peut-être pas cette nuit, mais cette semaine. Tu vas voir de quoi qui va te faire croire en que'que chose.
Pis c'est resté demême. Le lendemain matin, elle m'a imitée en riant comme une maudite, mais je m'en foutais. Pis elle est partie en vacances en Gaspésie.
Elle est revenue hier soir. Avec des gros yeux.
Moi, je venais d'avoir un vingt-quatre heures des plus fucked up avec des rencontres fucked up, des coïncidences fucked up, etc.
- J'ai de quoi à te dire...
Pis elle m'a raconté qu'elle était embarquée avec une inconnue pour rentrer à Montréal. Pis que l'inconnue avait habité à Rimouski pendant plusieurs années, pis qu'elle lui avait raconté des affaires. Elle avait l'air sonnée, j'me demandais ben qu'est-ce qu'elle lui avait dit.
(Si vous me croyez pas, je ris dans ma barbe à go.)
La femme qui a ramené ma soeur à Montréal a habité dans le bloc qui appartenait à la voyante de Rimouski. La voyante qui aide la Sûreté du Québec. La voyante que je veux aller voir la semaine prochaine. La voyante pis toutte là.
Mais ma soeur lui a rien dit là. C'est de fil en aiguille qu'elle l'a su, quand la madame lui a raconté que la vieille fuckée à qui elle allait payer le loyer quand elle avait vingt ans pouvait lui raconter ce qui s'était passé, de A à Z, dans une de ses journées quelconques à elle, sans même la connaître. Qu'elle avait deviné des affaires pas possibles.
Pis qu'elle-même avait vécu des affaires pas possibles, à part de la voyante. Qu'elle était bombardée de coïncidences, de signes, de prémonitions.
- Pis, tu crois-tu là?
- Ben... non. pas tant que j'ai pas vu par moi-même. Mais c'est fucké... tsé, la madame elle avait pas l'air d'une ésotérique ou rien, elle était ben normale, même qu'elle travaillait en santé mentale pour aider les schizophrènes. Une vraie madame clean... me semble qu'elle m'aurait pas menti... hein? Ah... pis en passant, j'ai un vidéo à te montrer, sur les ovni... C'est fou là, tu vas voir tu vas capoter...
Hé. Hé. Hé.
lundi 4 octobre 2010
Tam di di di di dam.
Y a des soirs de même. Y a des soirs qui succèdent à des journées de même. T’as beau faire n’importe quoi de gigantesque comme sauver la planète ou torcher une sauce à spag trop bonne, y a rien qui te met de bonne humeur vraiment. Tu t’entoures, tu te colles avec du monde que t’aimes, tu leur fait goûter ta sauce à spag trop bonne, y te disent qu’elle est trop bonne, après ça tu manges une soupe aux légumes qui goûte l’automne, mais t’es toujours pas de bonne humeur vraiment. Ni toi ni les autres. Y fait beau pis toutte là, mais non. Pis là, les journées de même se couchent, pis toutte explose. Tu te fais choker par ton meilleur ami qui est supposé s’en venir te trouver, ça fait deux semaines tu l’as pas vu, tu te dis qu’y t’aime pus, Marie-Michèle se fait appeler par sa meilleure amie qui vient de se faire sacrer là par son chum qui est un salaud, ça crie dans le téléphone, pis ton autre amie s’en va consoler un autre meilleur ami qui se tappe une dépression solide, qui est en train de devenir aussi gris qu’un cendrier, mais que c’est à soir qu’y s’en rend compte, ta sœur revient de travailler en braillant, tu sais pas quoi faire, elle veut pas te parler pis y a Occupation Double dans la télé en même temps qu’elle s’ostine avec sa meilleure amie dans l’téléphone.
C’est pas la pleine lune.
Y a quelque chose dans l’air.
Je suis toute seule, tout le monde est malheureux tam di di di di dam.
Qu’est-ce que j’peux faire.
J’vais aller essayer de me faire partir avec l'eau du bain.
vendredi 24 septembre 2010
Les clôtures (fragments de journal de Boubidouwap).
(Exercice atelier de littérature jeunesse).
Aujourd’hui, on m’a posé une clôture.
Une clôture en fer, une clôture piquante, une clôture malaisante, directement sur les dents. D’en haut et d’en bas. J’ai de la misère à dire trois mots en ligne, l’intérieur de ma bouche est tout percé, ça fait un mal fou et je peux pas sourire parce que j’ai honte. Même la bouche fermée, c’est laid, ça paraît. Et je bave. On m’a dit « tu verras, ça va être beau après, tu regretteras pas »
- C’est quand après?
- Dans trois ans.
J’ai quatorze ans, j’ai jamais frenché et on m’a posé une clôture à bouche. Une clôture à vie. Je vais aller nager pour faire passer ça.
***
Le trottoir est gris. Je sais pas grand chose dans l’existence, mais ça je peux le dire, parce que depuis la clôture, je le regarde tout le temps. Tout. Le. Temps. À matin, j’ai plongé un peu plus le menton dans mon collet que d’habitude, ça faisait mal sur mon corps. Vis à vis mes côtes, vis à vis mon cœur, sous mes bras un peu, ça faisait mal.
J’ai deux seins qui poussent. On dit qu’y a rien de grave dans la vie, que tout peut s’arranger. Je vois pas comment je pourrais arranger ça. C’est un one way vers l’irréparable. Ça m’écoeure, je m’écoeure.
J’ai levé les yeux, deux secondes, juste le temps de voir marcher une fille, en sens inverse.
Une vraie fille, je veux dire. Une fille-cerise-et-crème-fouettée. Avec des seins de fille et tout et tout, d’une grosseur à ne pas négliger. Ses fesses bougeaient, de gauche à droite, avec comme une courbe de demi-lune couchée entre les pas. Ses cuisses et ses mollets étaient fermes sous ses collants.
Ses lèvres étaient rouges.
Ses talons étaient hauts.
Sa gomme avait l’air bonne.
Ses cheveux étaient doux, on aurait dit.
Ma journée est gâchée, pour toujours. J’ai deux seins qui poussent, une clôture à bouche et bientôt, je ressemblerai à ça. J’aurai une sacoche, des yeux de biche et un anneau dans mon doigt. Je vais aller nager pour faire passer ça.
***
J’ai fait quatre-vingt-dix longueurs aujourd’hui et j’ai rien avalé de la journée. C’est mon record de tous les temps. Je n’ai plus faim ni rien. Les gens mastiquent, digèrent, et ça me rend incroyablement mal à l’aise, surtout quand les morceaux de patates restent pris dans mes clôtures, surtout à la cafétéria. Peut-être que si je mange moins, mes seins vont rapetisser, peut-être que je disparaîtrai et n’aurai jamais besoin d’épouser un gars qui a du poil dans le dos. Hier, et c’est la honte, y a une fringale qui m’a pris et j’ai mangé deux petits gâteaux en deux bouchées. Papa a dit « fais attention à tes fesses, ça va direct dans les fesses ces affaires-là », j’ai repensé à la fille-cerise-et-crème-fouettée croisée sur la rue le premier jour où mes seins ont grossi. J’ai voulu aller me faire vomir, mais y a rien qui a sorti et ça a fait mal. Alors tantôt, quand je suis revenue de la natation, j’ai pas soupé. Mom m’a suppliée, ensuite elle s’est mise de dos et a pleurniché un peu. En tout cas, j’ai entendu son nez couler pendant qu’on faisait la vaisselle, mais j’ai pas osé regarder, j’ai siffloté « L’Été Indien». Papa a rien vu non plus, parce qu’il regardait les nouvelles, qui sont plus intéressantes. Je le jure sur ma tête que j’avais pas faim pour de vrai.
***
Ça fait quatre jours que je suis allée voir Docteur Leblanc, qui a des moustaches dans les narines. Mom trouvait que j’étais trop maigre et que je ne mangeais plus. Il a dit que c’était vrai, que je devais absolument engraisser. Je sais pas quelle sorte de yeux il a ce con, parce que, vraiment, en toute honnêteté, j’aurais encore quelques livres à perdre. Peut-être cinq. Mais la vie est une vache, parce que c’est ce que je me dis depuis quelques mois déjà ; cinq livres ; mais à chaque fois que je les perds, je vois pas où elles sont parties. Bref, il a dit que si je prenais pas de poids d’ici deux semaines, il m’envoyait à l’hôpital des filles qui mangent jamais. Aujourd’hui, j’ai avalé cinq bouchées de pâté chinois sans mastiquer, ça m’a fait mal à l’âme, mais je veux pas y aller, à l’asile. Tout de suite après, j’ai mis la gaine de Mom, une sorte de clôture à bourrelets. J’ai l’impression d’être molle et grasse comme un milkshake aux bananes. Mais je pense à l’asile et ça me soulage un peu.
***
J’ai fait cent longueurs aujourd’hui.
J’ai mangé une salade au poulet et un morceau de lasagne.
Sept livres en plus, et tout le monde me félicite sur ma mine en beauté. Je comprends rien, mais ça me fait sourire pareil (sans montrer les dents, bien sur). Je me console en me disant qu’il me reste juste deux ans et deux mois avant qu’on m’enlève mes clôtures qui me rendront un peu jolie. Et aussi, à part que les trottoirs sont gris, je crois que j’ai compris une autre affaire à l’existence. Je pense – en fait je suis sure, même si ça sonne un peu quétaine – que j’en ai pas fini avec les clôtures, en général. Que je devrai peut-être même faire connaissance avec les barbelées, les électrocutées, et aussi les haies de cèdre, les forêts sombres et les labyrinthes. Mom dit que chaque chose, chaque expérience de vie, risque de faire un petit peu mal, mais que c’est comme ça qu’on apprend à être heureux. Ça me fait chier, quand elle le dit ; elle fait comme si j’avais rien compris et en plus ça me rend découragée. Mais y a toujours les gaines à bourrelets et les collets de manteaux qui sont là pour nous donner un minimum de courage.
J’ai hâte de voir si un jour, j’aurai envie de frencher. Parce que pour le moment, j’ai comme une pas pire peur de donner un choc électrique ou de faire une coupure à quelqu’un si j’essaie. De toute façon, ça me tente pas vraiment, ni pour les bouches, ni pour les dos poilus. Je l’ai dit à Mom tantôt et elle a ri, ça faisait longtemps. Mais papa a rien vu, parce qu’il regardait les nouvelles, qui sont plus intéressantes.